Urgence Maison

verger0
(*) Février 2012. Pour une fois, j'avais bien préparé le compte à rebours avant de reprendre l'avion pour l'Australie le mercredi 8 février. Pas de stress de dernière minute, le sac à dos bouclé 3 jours avant. Pas d'ultimes démarches, bravo Elisabeth. J'arrive à Paris cinq jours avant le départ. Délicieux week end avec la famille Risetti, nos visiteurs récidivistes du Mexique (février 2007) et de Bali (juillet 2011). Je m'étais même offert le plaisir d'inviter des amies à la veille du départ. Venez me voir à Parmentier dans mon 9 m2. Je vous attends au 7è étage, annoncez vous car nous ne pouvons pas être plus de 3 personnes à la fois. Détente, tranquillité, je suis heureuse de ces moments de douceur avant de retrouver Jacques à Melbourne, juste pour notre dixième anniversaire de rencontre : la saint Valentin 2002 dans le désert du sud marocain. Ce recentrage personnel est cependant contrasté. Ma petite voix intérieure se fait entendre : oui, tu as bien préparé ton voyage, mais as tu avancé sur ce qui te tient à coeur, la recherche de ta maison ? Tu souhaites te poser et trouver une maison pour l'après voyage, c'est dans ta tête depuis juillet 2011. En septembre dernier tu as effectué quelques démarches mais sans suites concrètes. Alors, tu veux visiter en hiver pour découvrir les lieux au pire moment de l'année lorsqu'il fait froid et que la lumière manque ?(**) Où en es tu ? Que fais tu ? Où sont tes priorités ? Es tu plus loyale envers les autres qu'envers toi même ? C'est quoi ça ? Eh, oui, effectivement, c'est évident : je ne fais pas avancer ce qui me tient à coeur, ce qui construit la prochaine étape de vie. Je décide, le lundi soir, de ne pas partir mercredi pour l'Australie. Je me donne la nuit pour valider ce choix. Au petit matin cette décision est aussi limpide et fondée que la veille. J'essaie de joindre Jacques dont le dernier SMS précisait : "je t'attends vendredi au T3 à Melbourne". Il est à Auckland. Pas de skype possible. Je sais que je vais lui causer un choc terrible, je le sais et j'entends ses arguments. Qu'as tu fait depuis que tu es en France ? Justement j'ai mûri et je suis maintenant prête à concrétiser. Il me faudra sans doute 3 mois de recherches et je reprendrai le voyage mi mai, à la veille de son anniversaire. Je vis, durant ces heures, une sorte "d'entre deux" : tout me prépare à reprendre le voyage demain (billet, visa, bagage, programme le 13 février vers la Tasmanie pour un mois) et stop. Changement de programme, une autre perspective : rester trois mois de plus, consacrer mon énergie à trouver un lieu de vie en Rhône Alpes. Je décide de retourner à Lyon dimanche. J'achète un petit carnet, du vert pour celui ci, et me met au travail : contacts, budget, visites des sites immobiliers, profil de ma recherche, acheter ou faire construire, etc… L'énergie est là. Ma petite chambre de Parmentier me convient bien pour cette phase préparatoire : un lieu indépendant, plein de lumière, internet, le téléphone…
coffrage parmentier
Je contemple mon havre de paix et constate qu'il reste une chose moche, sous la fenêtre, le coffrage masquant le passage du tuyau d'évacuation des eaux usées. Il y a six ans j'ai tout fait refaire. Ce coffrage doit maintenant être rehaussé car le tuyau a changé de pente suite à des engorgements dans l'évacuation. Peut être que Gilles pourrait le faire ? Dis moi, me referais tu un coffrage si je t'apporte les cotes et des photos ? Viens samedi, me dit il. Parfait ! Le plaisir de revoir la famille Risetti au complet ! J'explique mon besoin, un vrai pro comprend les choses bien au delà de mes petits bouts de papier ! C'est parti pour un nouveau coffrage sur mesure. Fière de mon petit carnet vert, je leur propose le descriptif de ma recherche. Voici ces cinq lignes : 100 à 200 m2, maison de plain pied, lumière, silence, 2 chambres séparées du séjour, une grande pièce à vivre, atelier ou garage, studio possible, JARDIN, proximité d'un hameau, village ou petite ville, partir de la maison à pied se promener, un espace pour Pgaz, on ne voit pas la maison depuis la rue (intimité). En écoutant mon descriptif, Gilles et Alice se mettent à rire, "mais c'est la maison de Michèle" ! Michèle est veuve depuis deux ans. Sa santé n'est pas très bonne, elle cherche un appartement avec ascenseur. Au téléphone, Michèle indique qu'elle va signer une promesse de vente le jeudi suivant, mais "Elisabeth peut venir voir la maison dès lundi." Mon coeur fait du yo-yo. Cool, calme, laissons venir. Rentrons à Lyon et attendons cette visite.
Lundi matin Michèle se propose de me prendre en voiture. Elle a passé la nuit chez une amie, place Bellecour, en face de la rue Boissac où mon frère m'héberge. J'accepte bien volontiers. Vingt à trente minutes du centre de Lyon. Michèle commente le trajet dans cette vallée de l'Azergues encore bien agricole. Le portail s'ouvre. Michèle me suggère d'aller "piétiner le jardin", le temps qu'elle ouvre les volets. Emotion forte, je suis en bas du jardin entre les arbres, comme s'ils me prenaient dans leurs bras, quel bel accueil, j'ai les larmes aux yeux, d'où vient cette tendresse ? Cela pourrait-il être "chez moi" ? Je n'ai pas encore vu la maison que je me sens déjà prise par le jardin ! Je me sens bien. Je marche tranquillement et fais le tour une fois, deux fois. Des arbres, des oiseaux, des buissons, des plantes, un petit bout de potager. J'entre dans la maison sur la pointe des pieds. Toujours délicat de pénétrer dans l'intimité d'un foyer. Je suis Michèle dans la visite de la maison. 115 m2, de plain pied, deux espaces distincts : un grand séjour avec une cheminée centrale, une cuisine et une entrée de 15m2 qui isole du vent. Au fond, trois chambres, une salle de bain, un WC et un escalier qui descend au sous sol. En bas, un garage, un cellier, une buanderie, et une autre chambre avec un WC et un lavabo. Toutes les pièces ont des fenêtres. Je suis comblée. Est ce que je vais pouvoir m'offrir cela ? Je me sens bien dans ces lieux.
Je fais part de mes réactions à Michèle. J'apprends qu'elle est bouleversée de vendre sa maison, jeudi prochain, à un entrepreneur qui va couper les arbres en bas du jardin car il a besoin d'un espace de parking pour ses véhicules. Couper des arbres, c'est comme une amputation, trop douloureux pour Michèle qui soigne ce jardin depuis tant d'années. Je demande à Michèle un moment pour aller marcher, "partir se promener à pied depuis la maison". Cette heure me fait du bien. Tout va si vite. J'appelle Gilles, le questionne sur d'éventuels travaux : refaire la cuisine et la salle de bain. Ses conseils m'apportent du concret, balisent le processus de décision en moi. Je crois que j'avais "décidé" en posant le pied dans le jardin et qu'ensuite il me fallait assembler les pièces du puzzle pour peser le poids de ce choix vital. Cela mobilise toute mon épargne, absolument tout ! Mais bon, c'est le moment, allons y. Confiance, reconnaissance. Je reviens parler avec Michèle qui a préparé une petite dinette sympathique. Nous nous mettons d'accord sur le prix et le calendrier, je ne suis pas pressée et peux attendre septembre. Cela rassure Michèle qui cherche depuis novembre un appartement dans les environs. Nous appelons le notaire et rendez vous est pris pour le vendredi suivant. Michèle est soulagée de changer d'acheteur. Les arbres ne seront pas coupés. Je reviens à Lyon, éberluée de ce qui m'arrive mais confiante, étonnée, tellement étonnée, il va falloir me faire à cette idée que "j'ai une maison" ! Les réalités financières vont me mobiliser quelques jours pour racler les fonds de tiroir, dégager une première somme pour vendredi 17 février, date de signature de la promesse de vente. Rester calme, réaliste, disponible. Rêver, se projeter, délirer. J'oscille entre ces deux pôles, à l'image du marcheur qui avance pas à pas, pied gauche, pied droit, et, ça marche !
(*)Non, je n'ai pas acheté ce château ! Mais une maison dans un jardin.
maisonSite02-2012
calme-intensité
(**) Au plus fort des grands froids à Lyon : la Saône gelait, la fontaine Bartoldi était figée.
saonegelée02-02-2012
bartoldi02-2012
Lumière du vendredi 17 février, place Bellecour au petit matin.
bellecour13-02-2012