TEXTO : impressions, réflexions, dans le désordre (année 6)
La bouteille d'huile, la bouteille à la mer ou comment finir le voyage ?15.06.2012
Après 7 ans d' errance, j'imagine aisément que çà ne va pas être simple !!! Question de Jean Fi, fin Mai 2012.
Ben non... être au diapason d'aimer chaque jour et d'apprécier des jours futurs bien différents. Quand on est parti on ne savait pas pour combien de temps
et au fur et à mesure on se disait... encore ? encore ? Ça va, on est OK, on a envie de découverte... on continue. On a aussi pris conscience de l'effort continu que le voyage représente. Même bien rodés, chaque jour est une page blanche, rien d'acquis, tout à construire. Etre prêt, disponible, ouvert, attentif, entreprenant... le petit train train quotidien est parfois compliqué dans des pays isolés :
- trouver un bivouac tranquille dans un pays sur peuplé ou montagneux
- s'approvisionner pour se nourrir autrement que de street food
- trouver son chemin sans parler la langue, savoir où on se trouve (!)
- visiter ce qui est intéressant et saisir les occasions qui se présentent
- éviter les chausse trappe des "policiers", faire confiance aussi souvent que possible
- profiter du coucher de soleil en paix, écouter les oiseaux ou le bruit de la mer
- marcher tranquillement sans être assaillis, se poser sans déranger les gens du coin
- conduire sans risque excessifs
Et rester souriant, disponible, plein d'énergie et de bonne humeur... chaque jour du voyage. Maintenant, se dire qu'il y a un endroit où se poser, un bivouac stable, un marché pas loin où "faire ses courses" sera simple, un parking où garer Pgaz sans risque, des contacts faciles avec les proches, une bibliothèque à 2 pas, un petit café au soleil, etc. L'enjeu, me semble t-il est de pas opposer ces deux mondes, ces deux phases de vie, mais d'essayer de les conjuguer, de les relier au quotidien.
Je pense qu'après des années de voyage à temps plein, on éprouve a un vrai besoin de "ressourcement au pays" :
= retrouver ce qui fait qu'on aime son terroir, son pays, qu'on se sent "de quelque part" et non plus toujours "l'étranger", le "toutriste", le "nanti", le "passant" etc.
= faire le lien avec ce qu'on a vu, aimé et pas aimé et... ce qui est ici et maintenant aussi en France ou au Canada pour Jacques, ma "moitié" québécoise.
= témoigner chaque fois que l'occasion sera possible pour relier, lever les a-priori, tenter de débusquer les peurs qui occultent la vision des choses. On a peur des Iraniens, des Pakistanais, peur des musulmans… mais on "adore" l'Australie, etc... la "peur" arrange qui ? sur quoi est elle fondée ? comment s'entrainer à la diminuer ? à s'en libérer ? comment encourager ceux qui ont bien envie de partir... mais n'osent pas "aller voir". Pour moi, c'est là, le véritable enjeu de cette période de vie. Aucune leçon à donner, aucune mission à exercer… juste être là, disponible, rester simple et partager ce qu'on a pu vivre si quelqu'un en a l'envie ou si l'occasion se présente.
Alors, c'est quoi cette histoire de bouteille ? La bouteille à la mer ? On aurait lancé un message dans une bouteille remise aux bons soins des flots australiens vers de nouveaux rivages ? Et cette "bouteille d'huile" ? Le terrain est devenu bien glissant. Je réponds : bientôt Pgaz prendra le chemin d'un container pour la France et nous nous quitterons l'Australie par avion. Il nous fallait renouveler notre bouteille d'huile, la dernière du voyage : alors on prend quoi ? un demi litre ? un quart de litre ? non, quand même Eric arrive dans un mois, on sera 3, donc on ne prend pas la plus petite… la question du choix de la bouteille d'huile nous a fait très concrètement toucher du doigt que le compte à rebours était engagé. L'échéance approche même si nous n'avons pas encore de date précise.
Voilà, cher Jean Fi une réponse à ton message du 28 Mai.
Jean Fi anime un site : "Histoires de Voy@ge ..." www.hdv.jimdo.com
Travaux de dames (*). Avril 2012
Une envie de travaux manuels durant mes deux mois de séjour en France. Je n'ai jamais brodé ni travaillé le feutre. Cela ne me semble pas trop difficile. J'opte pour un panneau d'appliqués en feutrine de couleur, fixés au point de feston. C'est une fillette qui pousse une brouette chargée de citrouilles. L'arbre croule sous de larges feuilles. Un arrosoir est posé en bas. Bon. Je suis les consignes et peu à peu la scènette apparaît. J'ai du mal avec la tête de l'enfant. Mes points progressent en régularité. Je montre mon ouvrage à plusieurs amies et reçois des suggestions pertinentes. Je les accueille avec plaisir, comme par exemple ces trois fruits rouge suggérés par Joëlle ou l'usage en coussin imaginé par Marine. Un grand merci. L'échéance approche. J'aimerais offrir ce panneau à ma petite fille pour son premier anniversaire, le 14 avril. Pourquoi ne pas le personnaliser ? Et si l'arrosoir prenait du service en haut pour annoncer son prénom ? Bouclage du panneau devenu coussin. Et voilà qu'un pédiatre intervient pour un ultime acte de "SAMU broderie", car la fillette semble bien statique sur son unique botte : Inès suggère d'ajouter une seconde jambe. Nous essayons. Effectivement le naturel reprend le dessus. Mais voici une autre idée géniale : pas de mollets visibles, positionner les deux bottes en marche. Merci Inès, in extrémis, avant le montage final. A vous d'apprécier les transformations ! Sidonie, quant à elle, pointait du doigt les fruits et les feuilles cherchant déjà à les enlever.
(*) suite des doudous cf Texto de déc 2010
Moments d'exception. 16.03.2012
N'y aurait il que des "moments d'exception"? De ces moments délicats ou forts, suspendus dans le temps ou gravés dans l'instant ? Chargés d'émotions ou portés par la brise légère laissant un frisson sur la peau ? Riches de silence ou de paroles ? Seul, à deux, dans un cercle amical ? Au milieu de la foule, au milieu de nulle part ? À la lumière du jour ou dans l'éclat des bougies ? Pour de vrai ou au fin fond de mon imaginaire ? Finalement, ils surgissent, jaillissent, s'installent fugitivement ou prennent le temps de se déployer généreusement hors des contraintes que l'on s'offre tout aussi généreusement : il est l'heure de partir, cela fait déjà tant de semaines que je suis ici, je dois, il faut… Et si nous les accueillions en toute liberté ? La surprise du jour. L'inattendu. L'inouï. Tiens, le programme s'est décalé, les obligations se sont nuancées, hiérarchisées, reportées, nous libérant ainsi un peu de cette pression familière et rassurante car elle nous façonne jour après jour. Je respire, je respire enfin ou, parfois, enfin, je respire. Je regarde, je vois, je découvre un détail si important. Je sens, je distingue le fond de l'air des odeurs, senteurs ou autres fragrances. Je ressens mon corps sur le siège ou dans l'herbe, immobile ou en mouvement. Je ressens. Les capteurs sont activés, excités comme autant de mémoires temporaires de ce moment présent. Moment d'exception. Unique et déjà disparu. Il reste comme un sourire, un petit territoire inscrit au fond de soi. Disponible ultérieurement si le besoin venait de contempler une collection d'éphémères.
Ces dernières semaines, le vécu des rencontres familiales ou amicales m'a offert de tels moments d'exception. Revenir au pays, retrouver les "siens", se rencontrer au plus profond, parfois là où les mots n'ont pas de place. Rencontres aussi intenses qu'en voyage où les mots aussi font parfois défaut du fait de la barrière de la langue. Par le regard, l'attitude, le geste, le partage est nourri d'une pleine présence.
J'écris aujourd'hui pour remercier chacune et chacun de ces moments si précieux. Je tiens à remercier le groupe de femmes qui m'a ouvert son cercle, hier soir chez Bénédicte. Un groupe de 35 ans d'âge, renouvelé femmes plus jeunes. Richesse de leurs différences et de leurs valeurs communes. Liberté d'expression, rires et partages intimes. Ecoute et abandon. Solidarité et respect de l'autre. Souvenirs et projets. Bonne chère et enthousiasme. L'envie est forte de les revoir, si elles m'invitent à nouveau !
Humour voyageur, pas ravageur du tout. 1.02.2012
Confrontés à des problèmes basiques répétitifs, nous explorons des solutions, pas encore mises au point mais qui changeraient la vie des voyageurs. Si un laboratoire de recherche ne sait plus quoi faire, voici des pistes, c'est gratuit :
- inventer des sonosticaires, vous voyez, ces rideaux transparents qui laissent passer la lumière mais pas le bruit excessif. Il y a un sonorimétre, doseur sonore, sur le côté pour choisir l'intensité et, pour un peu plus cher, un sonosélecteur, permettant de retenir ou d'exclure telle ou telle catégorie de sons, comme par exemple : chants d'oiseaux, klaxons (indispensable en Inde), pluie, aboiements nocturnes, voisins indélicats, passage de trains, transistors, vagues et/ou rivières qui peuvent se rejoindre, à mon avis, dans la même catégorie, etc. À compléter.
- mettre au point des neutralisateurs canins contre les aboiements et les morsures des chiens (se méfier autant des petits que des gros). Un truc sympa pour et contre les quadrupèdes agressifs." Oh temps suspend ton vol…" Les neutraliser juste le temps de passer, avec une marge de sécurité, dans le dos (du marcheur). Ceci devrait pouvoir être étendu à d'autres animaux avec une antenne à détecter les serpents (franchement utile en Australie). Heureusement que pour l'instant, ils nous filent sous le nez.
- les polisiradars, ces sortes d'instruments capables de détecter un "policier" qui n'a pas forcément un radar entre les mains. Les policiers sont, comme tout le monde, des professionnels ayant une éthique, combien élastique. Alors notre règle de vie en voyage est de les éviter au maximum. Jamais nous ne demandons notre chemin à un policier. S'ils nous font signe, nous répondons avec nos quatre mains de salutations vives, sans s'arrêter. Si par hasard, nous étions arrêtés plus loin, nous pourrions dire, "oui, nous vous avons vus et nous vous avons même salué, en choeur, tous les deux". Bien sûr, pas en Australie. Pays de la conduite à gauche. Là nous rigolons car l'alco-test matinal nous est présenté à droite, côté passager !
- des évaporateurs à pipi. J'ai bien adopté les "toilettes de campagne", également praticables en ville. Pour celles qui ne visualisent pas la solution : vous ouvrez, pas complètement la portière avant la plus préservée du tout venant, vous prenez appui sur le marche pied, faut bien qu'il serve à quelque chose puis, les fesses bien calées, vous oeuvrez gentiment. Choisir la bonne courbe pour s'arrêter tout en ayant repéré un peu de solitude autour, cela stimule les talents d'observateur et de conducteur émérite. On devrait créer un brevet "idéal pipi" pour ceux qui réunissent toutes les conditions. Ces évaporateurs à pipi rendraient de grands services aux dames. Songez aussi aux files d'attentes lorsque le bus arrive à la station ou l'avion à destination ! Les Canadiens ont inventé des pissoires debout pour dames. Vu en photo, pas testé personnellement.
- des vocaux traducteurs, ou traduction labiale, sur la langue. Pourquoi tout ce turbin des dictionnaires, des tablettes de traduction, des audio guide, etc. Inventons des traducteurs oraux qui détectent dans votre cerveau les textes imminents et, selon la langue d'entrée dans les oreilles de votre interlocuteur, va émettre les sons utiles, pas plus, pas moins. Je veux bien me prêter à des tests. Je sais que l'humour ne se traduit pas facilement, il y aurait-il des algorithmes humoristiques ?
- grave problème de l'état des routes, les lisseurs de trous feraient merveille et ménageraient autant les véhicules que les conducteurs. En plus les cyclistes seraient reconnaissants. Il ne faudrait pas que cela empêche les Autorités d'améliorer les réseaux routiers et de les entretenir. Mais comme soin palliatif ce serait parfait. Je m'explique, cela pourrait être une sorte de coussin d'air adaptable aux reliefs les plus dégradés, un bouche trou continu apportant sa solution aux deux roues avant puis aux deux roues arrières, ne pas les oublier, surtout dans les courbes… à trous cachés. Statistiques éprouvées et éprouvantes dans de tellement nombreux pays. L'Indonésie n'est pas en reste sur le tableau d'honneur !
- des poubelles virtuelles qui absorberaient aussi les déchets du quotidien. Facile de "mettre dans la corbeille", pfuitt et les indésirables ont disparu. Ce qui est facile à l'écran, devrait pouvoir être facile sans écran ? Ma foi, à creuser. Puissance de la pensée sur la matière. Puissance de la matière sur la pensée ?
Avec cela, on se faciliterait la vie en voyage, mais je sens que vous gambergez déjà pour votre propre environnement ! La liste est ouverte. Cherchons des concrétiseurs.
À partir de quand est-on "Expatrié" ? 27.01.2012 Photo : l'Australie à Lyon
Revenir dans son pays après une absence significative, allons, comptons déjà plusieurs mois, au moins une année, aiguise le regard sur ses terres : le quartier, la ville, etc. Tiens, ici les travaux sont terminés ou bien ils commencent, la rue a changé de sens ou de nom. Ailleurs, tel commerçant est toujours là, fidèle à son étal du marché, mais ce marché a bien changé, envahissement des fringues ou des objets en plastique. La droguerie est devenue une agence de voyage ou une succursale bancaire. Connu-inconnu, le jeu se déroule. Les itinéraires de déplacement sont automatisés, pas besoin de demander son chemin, même si on ne souvient plus exactement du nom des rues. Est ce que les gens ont changé ? Y a t-il plus de sourires ? Les automobilistes sont-ils plus arrogants vis à vis des piétons ou bien se souviennent-ils que l'on peut aussi se déplacer sans pot d'échappement, libre, soi-même, pas l'échappement ? Les vêtements, sont ils toujours aussi sombres et homogènes dans telle ou telle catégorie de population ? L'obésité gagne t-elle du terrain autour des hanches et des tailles ? Comment vont les amoureux : mimétisme ou différences notables dans le look et les gestes sociaux, ceux qu'on expose en public ? Les plus âgés, canne, chapeau, sac au bout du vieux bras fatigué ou sur l'épaule voutée ? Et les bébés, quelle place ici bas, il parait que la France est numéro un pour la natalité en Europe ; en voilà une bonne nouvelle. Puissent ces chères têtes, pas forcément blondes, ne pas se formaliser de la couleur de leurs cheveux réciproques. Et les parents oeuvrer fermement pour un respect mutuel dès l'enfance. Après le visuel, le kinesthésique, les câlins de retrouvailles de la famille et des amis, les hugs de bonne année, cette grande embrassade-accolade. Il y avait un gars, place Bellecour, samedi passé qui offrait des free hugs : une petite pancarte en carton à ses pieds, il offrait ses bras grands ouverts, ça marche, cela décoince, fait rire et on se met en file, devinez, en file pour en recevoir ou pour les offrir aux autres ? Au Canada, dans la file d'attente de son café matinal, il n'est pas impossible d'entendre la serveuse vous dire qu'il a déjà été payé par la personne précédente. BC/BA, bon café/bonne action, en tout cas, bonne idée, plus chaleureuse que les BCBG, les "bon chic bon genre". Et les bisoux, oh, la la : combien sur chaque joue ? Du vrai ou de la caresse de soie ? On tient les épaules ou on se déhanche le cou comme une autruche si l'autre vous dépasse de quelques pieds, ou centimètres, le problème reste identique ! Avec ou sans lunettes ? Clic clic, on voit qui déchausse (ses lunettes évidement), le plus rapidement. Mais il y a aussi le "syndrome mosquée", je veux parler des maisons où on se déchausse, avant ou après s'être défossé de sa veste ou de son manteau. Pas facile de réussir son arrivée aussi empoté de chaussures, parapluie, manteau, sac à main, gants, bouquet de fleurs parfois en plus. Mieux vaut venir avec des chocolats, cela retarde le déballage ! Je reviens aux chaussures : alors on les enlève ou pas, et où s'effectue la mise à nu… pied ? Contorsions dans une entrée pas prévue pour cela ? Il vaut mieux se débattre sur le paillasson, à l' extérieur, au moins les moulinets et les plongées orthopédiques bénéficient de l'espace public. Ensuite, on se les gèle parfois, les pieds, sur le carrelage ou le plancher d'époque. Si j'avais toujours sur moi des petits mouchoirs, j'ai maintenant toujours avec moi, LA paire de chaussettes hyper épaisses à enfiler en territoire vierge de chaussures.
Ce sont les côtés rigolos des coutumes récentes. Je ne me souviens pas d'avoir vécu cela il y a 10 ans. Progrès de l'hygiène, économie du temps passé au ménage, pas de problème. Chez moi, si cela m'arrive un jour de retrouver un "chez moi", je mettrai à disposition une collection de pantouflettes colorées et une chaise pour faciliter les opérations d'accueil ! Peut être aussi une pancarte, à l'extérieur : vous pouvez garder vos chaussures, il y a un paillasson. En ville, on observe souvent des personnes prendre des photos. Je ne parle pas des téléphones portables qui servent de "miroir photogénique" à leur propriétaire, pris en train de se prendre ! Je parle de ces petits appareils qui sortent d'une poche et captent un ciel, un orchestre dans la rue, un tag, une silhouette. La photo au bout des doigts, tranquillement. J'y suis, je clique. Je donne ici des verges pour me faire battre, moi qui ai tant de plaisir à croquer ces images. Passons. Je ne suis donc pas la seule à cliquer au naturel.
Plus sérieusement, c'est à l'étranger qu'on commence à devenir "expatrié". À l'étranger, on n'a pas toute cette familiarité de relations habituelles quotidiennes. On perd peu à peu ce tissu de relations, de modes de rencontres, de pratiques familiales, amicales et sociales. On les perd parce qu'on ne les pratique pas, attentif à pratiquer ce que les us et coutumes locaux laissent entrevoir sur la façon d'être les uns avec les autres. De surcroît, le passant voyageur reste toujours un étranger, donc, quelqu'un de bizarre, intouchable ou attractif parfois, incompréhensible le plus souvent. On tolère cet intrus, il amène peut être du business. On ne le rencontre pas forcément avec simplicité, envie et détente. De toutes les façons, ce voyageur, il passe. Pourquoi investir ? Mais lorsque les barrières tombent, quelle belle rencontre !
Lorsque les mois d'éloignement deviennent années, même si on retourne à la case départ de temps en temps, on peut ressentir le besoin d'ajustements nécessaires au retour, à un retour. Cela ne situe pas au niveau émotionnel, il y a tout autant d'émotions de rencontres en voyage, cela se situe, me semble t-il, plus profondément dans sa relation à… soi-même ! Est ce que je suis seul, tout seul avec moi même ou bien suis-je membre d'une famille, d'un groupe d'amis, d'une région ou d'un pays. Comment est ce que je me situe concrètement, par rapport aux petits qui arrivent, aux anciens qui vieillissent, aux rapports de forces qui se jouent dans mon pays ? Partout, j'ai une responsabilité, absolument partout je peux la mettre en pratique, la faire évoluer, la réinterroger. Partout, veut dire aussi dans mon pays ! Je pense que revenir de voyage, c'est comme "revenir de loin". J'empreinte cette expression à Marie Laberge (*). Ré-enclencher chaque maille de ces fils qui nous relient les uns aux autres, qui nous relient à un territoire, à des groupes, des coutumes, etc. Un autre voyage en quelque sorte. Une occasion de se revisiter les lieux et les situations avec un autre regard. Tant pis si on est à nouveau taxé d'être un "étranger". Il s'agit de se repositionner personnellement, ai-je peur du vide, de vivre "sans bouger" chaque jour veut-il dire une "petite mort" quotidienne ? ou un projet quotidien sans cesse renouvelé ? Une liberté d'action qui n'est pas entravée par les heures de route, permet autre chose, à construire, un nouveau suspens. Le retour au pays, vis à vis des autres, nécessite aussi un repositionnement sur des bases nouvelles riches du voyage et des gestes qui ont jalonné l'absence durant le voyage. Lorsque les proches sont sans reproches vis à vis de l'absence ou de l'éloignement, on peut revenir tranquillement, innover dans les relations, se faire une petite place au soleil de leur affection. Se découvrir mutuellement sous notre nouvelle maturité du jour. Confiance dans l'accueil réciproque. Confiance dans ce qu'il adviendra : les uns, déçus, ne se retrouveront pas sur les bases anciennes, peu importe, nous ne sommes pas dans un magasin d'antiquités, ou bien alors, modernisons nos antiquités pour ne pas en être esclaves ! Les autres, ouverts, seront tentés par de nouvelles aventures enrichies du vécu de chacun, au pays ou en voyage. Faire de nos différences des richesses plutôt que des obstacles ou des barrières. Demander de l'aide à la réinsertion : comment cela marche t-il ici ? Partie en voyage longue durée, au premier mois de ma retraite, me donne le sentiment de ne pas encore "être à la retraite". Car le voyage n'est pas du tout une "retraite", c'est un travail à temps plein. Alors, existe t-il des stages de préparation à la retraite, accessibles 6 ou 7 ans après le début de ma retraite?
(*) roman de Marie Laberge, "Revenir de loin" (Editions Boréales)
L'amour ??? oui, oui, oui... 1.12.2011
Il y a plus d'un an, je répondais ici à LA question qui nous est si souvent posée : comment faites-vous pour vivre ensemble, 24h sur 24h, en voyage depuis tant d'années, dans un espace si réduit ? En première ligne, je répondais, l'amour ??? Oui, oui, oui mais pas seulement. Pudeur ou prudence, je n'avais pas développé cet aspect fondamental. Comment en effet aborder la dimension amoureuse avec honnêteté ? Par la suite, cette question m'est régulièrement revenue en pleine face. Ma seule évidence était de constater cet immense amour, comme une nappe phréatique, une source vitale en moi. Dans les moment moins poétiques de la relation amoureuse, je tournais autour de cette phrase de Naomi REMEN, "ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare."(*) Et, pour tenter de caractériser le processus, je cherchais à en creuser ses facettes, sans craindre les extrêmes, ni fuir l'humour à la façon de Cyrano de Bergerac. Qu'est ce qui fait tenir un couple ? On pourrait dire, Oh Dieu, bien des choses en somme... sans varier le ton, par exemple tenez :
L'extase ou la routine ? Le projet commun ou les territoires ? L'envie ou l'abandon ? La parole ou le silence ? Les obligations ou l'interdépendance ? Les repères connus ou la peur de l'inconnu ? Le proverbe : un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ? La banalité contre l'exception ? Le regard des autres ou le regard de l'Autre ? Le regard de l'Autre ou le regard sur Soi ? La force de l'habitude ou l'habitude des rapports de force ? L'ombre ou la lumière ? L'économie d'argent ou l'économie d'énergie ? Le dire ou le faire ? La lucidité ou l'inconscience ? Le choix ou le non choix ? Le suspens ou la lassitude ? La solitude à deux ou la peur de la solitude ? Chercher une réponse à la question, ou, surtout... ne pas la poser ? etc.
Une fois le défoulement opéré, que faire ? Comment respirer de l'air frais, changer de registre et, gardant l'image aquatique, retrouver des rivages amoureux navigables ? M'appuyant sur un travail d'observation de nos attitudes, les miennes, les siennes, les nôtres, j'ai creusé l'aspect des émotions qui nous traversent. Chacun a t-il un terrain favori de jeux émotionnels répétitifs ? Y a t-il de la marge de manoeuvre pour maintenir le bon climat ? Qu'est ce que j'attends, qu'est ce que j'apporte dans notre relation amoureuse? Et l'Autre, de son côté, qu'en est-il ? Je me suis intéressée aux "états d'âme" (*) les reconnaître, les accepter, même s'ils dérangent ou inquiètent. Je ne suis pas familière de la tristesse, ni du pessimisme, mais pas du tout. Et voilà, soudain, que la tristesse m'envahit. Que m'apporte t-elle ? La laisser passer ? Tout passe. Parfois passe à nouveau ! Que faire de cette chape sinon rebondir ? Il y a sans doute une occasion unique d'avancer en Soi. Une perche tendue pour cheminer. Et les bonnes fées sont sur mon chemin. Elles entendent le questionnement le plus intime et m' envoient de quoi garder le nez au dessus des vagues. Elles m'expédient en plus des "chaudoudoux" comme dans le conte éponyme (*). Je passe sur le détail du travail des fées, c'est un secret qui, comme l'Amour, commence par un A, c'est l'Amitié. Elles savent travailler à distance et m'aident même au fond du bush. Elles sont aussi très cultivées et savent choisir les mots qui soignent les maux. Elles savent sélectionner les mots des autres, les auteurs qui ont écrit des livres utiles, prêts à consommer sans modération ! Je voudrais citer "Les mots sont des fenêtres, ou des murs" de Marshall ROSENBERG (*). Ce livre présente la communication non violente, éliminer le "tu" qui "tue". Je retrouvais là toute la dimension de l'observation qui m'a rendu service dans de nombreuses situations. Se concentrer sur la collecte des éléments sans juger, ni interpréter. Je vous résume les quatre piliers de ce processus de communication. O-S-B-D : Observer sans évaluer ni juger, identifier et exprimer ses Sentiments, assumer la responsabilité de nos sentiments en les reliant à nos Besoins, formuler la Demande de ce qui contribuerait à notre bien être. Ouvrage de référence à faire circuler ! Un autre apport a nourri mon chemin au travers de la tristesse éprouvée. Il s'agit des "cinq langages de l'amour" de Gary CHAPMAN (*). Bien des incompréhensions proviennent de nos échanges, trouver le langage utilisé par l'Autre permet de percevoir ses preuves d'amour, identifier son propre langage peut être aussi une occasion de l'élargir. Je vous résume ces cinq langages. Les paroles valorisantes, ce qui met l'autre en valeur, les encouragements en font partie. Les moments de qualité, ces petits moments privilégiés en tête à tête, chacun arrête le temps pour profiter à deux de l'instant. Les cadeaux, recevoir un cadeau fait plaisir à tout le monde, l'intention et le moment comptent bien plus que le prix. Les services rendus, faire des actions rendant service à l'autre, lui facilitant la vie. Le toucher physique avec toute la gamme des gestes d'affection, se tenir la main, enlacer, caresser. Simple, mon cher Watson, mais comment est ce que je procède ? Et l'Autre, comment reçoit-il, perçoit-il les choses ? À suivre, avec ce "compas" utile à la navigation amoureuse.
L'honnêteté, m'amène à aborder également une dimension complémentaire, celle qui touche à notre identité profonde, à notre humanité. Ce que Naomi REMEN désigne par notre intégrité. Ce que Suzanne HAMEL appelle vivre le meilleur en soi (*). Les fondamentaux de notre Soi, notre raison d'être profonde. Terrain sensible, provoquant la stupeur effarée du lecteur rationnel aux certitudes immuables, le rire gras de l'épicurien à la bouche pleine, ou encore une incompréhension totale : mais de quoi qu'elle cause maintenant ? La voilà partie bien loin, au secours ! Changeons de page, pour lire autre chose. La liberté offerte est plurielle : je choisis de m'exprimer, libre à chacun de s'y intéresser ou pas. C'est ainsi. That's it, pour faire sérieux. Je constate, après six ans, combien le voyage longue durée pétrit ma vie dans tous les sens. Interpelle la personne au plus profond, comme lors d'un choc de vie. Tous les repères extérieurs sont modifiés : la langue, les relations, les coutumes, le climat, l'utilisation de l'espace, les règles de vie, l'alimentation, etc. Je suis embarquée, en couple, dans un frêle esquif combien sécurisant mais combien relatif lui aussi. 24h sur 24h, l'occasion de vivre cet amour qui nous relie si fort depuis dix ans. Et d'effectuer un chemin intérieur vers les priorités. Qu'est ce qui compte ? Comment vivre en voyage et à distance ces différentes postures de compagne, mère, grand mère, soeur, amie, citoyenne, etc ? Comment sortir du voyage ? Comment préparer la suite, au moins la mienne et faciliter la nôtre, si l'Autre y adhère ? Etre honnête avec soi même au plus profond. Quel est ce Voyageur, embarqué dans sa diligence qui avance avec son cocher et ses chevaux ? Je reprends ici la métaphore de la diligence citée par Suzanne HAMEL. "La diligence est comparée à un être humain qui se dirige vers une destination ou un but librement choisi." Le corps physique est la diligence. La dimension affective est représentée par les chevaux. Le cocher tient le rôle de la raison, il observe, analyse et dirige les chevaux. Finalement il y a le Voyageur, on ne le voit pas de l'extérieur mais sans lui la diligence n'a pas de raison d'exister. C'est la dimension spirituelle, c'est lui, le Voyageur qui connaît le but, la destination, donne le sens. Le Voyage autour du monde m'offre une occasion fantastique d'effectuer un Voyage intérieur. Aller vers l'essentiel. Avancer vers cette intégrité intérieure. La reconnaître, la prendre en compte et ajuster mes choix de vie en harmonie.
De passage à Lyon, en cette fin 2011, j'ai envie de partager ces lignes. C'est également l'occasion privilégiée de rendre hommage à mes fées. Qu'elles soient toutes ici remerciées du fond du coeur. En effet, j'ai la chance d'avoir plusieurs fées, au masculin et au féminin, de très anciennes et de plus récentes, si bienveillantes, accessibles, différentes, patientes, perspicaces que j'en suis comblée. Présence. Partage. Pas une once de dramatisation. Elles écoutent, apprécient, proposent, encouragent, ont le regard qui renouvelle la perspective. Je sais bien qu'on ne peut pas changer les choses. Il reste cependant la possibilité de changer son regard sur les choses. On a chacun la liberté de grandir, de mûrir, d'évoluer vers son soi-même le plus profond. Une vie est peut être bien courte pour aller au bout... de soi ! Allons-y !
(*) L'isolement du voyage, rend les livres encore plus importants. En seconde ou troisième lecture des aspects différents apparaissent. Les livres accompagnent un dialogue intérieur offrant l'occasion d'échanger entre nous. À citer :
Naomi REMEN, Sagesse au coin du feu, Editons Robert Laffont.
Marshall ROSENBERG, Les mots sont des fenêtres, ou des murs, Editions La Découverte.
Gary CHAPMAN, Les cinq langages de l'amour, Editions Farel.
Suzanne HAMEL, Vivre le meilleur en soi, Editions Stanké.
Christophe ANDRÉ, Les états d'âme : un apprentissage de la sérénité, Editions O. Jacob.
Claude STEINER, le conte chaud et doux des chaudoudoux, Inter Editions.
et aussi : Sylvain TESSON, Dans les forêts de Sibérie, Editions Gallimard.
Les travailleurs du voyage sont en vacances. 1.10.12011
Les "travailleurs du voyage", comme mon frère nous appelle, sont entrés en Australie. Visa d'un an, donc pas de démarches auprès d'une ambassade dans les prochains mois, pas besoin de compter les jours ni de conserver une marge de sécurité avant l'échéance. Des routes et des pistes en bon état, faciles à trouver, des garages avec des pièces détachées, une signalisation routière claire et continue, des cartes à jour, une langue connue, même s'il faut parfois décrypter l'accent du terroir. Les tâches quotidiennes sont légères : pas de problème pour faire une lessive dans une machine à laver, trouver de l'eau potable, une pompe à essence ou une poubelle, envoyer une carte postale dans les temps ou acheter une clé internet 3G qui permet de téléphoner depuis Pgaz. Trouver de la bonne nourriture est aisé, il n'est plus nécessaire de "faire des provisions" lorsqu'on trouve le bon produit car il y en a partout ! Chercher un bivouac obéit à d'autres règles : si moins de 20 km d'une ville, il faut aller dans un camping aménagé, parfois gratuit, le plus souvent payant. La pleine nature offre encore bien des possibilités, sinon, il faut accepter d'être canalisé. Ces quelques exemples ont fait voler en éclats tous mes repères quotidiens de ces dernières années ! Renseignements sur l'itinéraire et le chemin à prendre, suivi des cartes et du GPS, contacts pour demander la permission de bivouaquer, surveiller la route par rapport aux trous, aux enfants, aux aléas et aux policiers, effectuer les approvisionnements en nourriture et le lavage, etc. Tout mon "job" se trouve transformé, réduit à très peu de contacts ou d'anticipations, comme surveiller les silhouettes de walabis dans l'ombre des buissons ! Me voilà au chômage ! Ce sont peut-être bien des "vacances" qui seraient arrivées avec cette nouvelle étape du voyage ? Des vacances ! Nous connaissions les "vacances de voyage", c'est à dire retrouver la Terre Mère française ou canadienne et s'y ressourcer auprès des siens. Voici maintenant, avec l'Australie, le "voyage vacances", premiers pas sur une nouvelle planète ! Merci les walabis, à suivre.
Poème de Lipo (extrait CD Bordeleau) 1.11.2011
Les oiseaux ont disparu dans le ciel
Le dernier nuage s'est évanoui
Nous sommes assis ensemble, la Montagne et moi
Jusqu'à ce que seule la Montagne demeure.
Faire ou être, to do or to be, comment ... faire ? 15.10.2011
Les risques de l'action et de ses multiples déclinaisons quotidiennes, face ou contre, l'être, état personnel d'être, être juste là ici et maintenant. Autrement dit, pour que faire ne ferraille pas avec être. Pour ne pas trop en faire, ni trop s'en faire, ni s'enfermer, comment faire ? Vaste sujet posé, impossible de le poser sans rire ! Il semblerait qu'il y ait une progression ou une pente : faire, faire avec, faire sans, faire faire, ne pas faire, ne pas s'en faire. Faire, cela commence par des listes, ces do lists, ces douces listes, souvent au pluriel. Elles libèrent la tête (ne pas oublier) mais obèrent le calendrier (à partir de maintenant).
Faire : finalement, on peut suivre la liste en regroupant par nature ou proximités, à défaut d'affinités, ou bien y ajouter des priorités et recommencer une nouvelle liste. A ce stade de "maturité", on peut se faire surprendre, au dernier moment par une nouvelle liste, juste avant de reprendre l'avion, une liste d'ultimes obligations ou contraintes. Loupé, la sérénité ! Cela pourrait-il correspondre à l'horreur du vide ou au retour du stress ?
Faire avec : finalement, on intègre la contrainte, il n'y a que deux heures pour réussir ceci ou cela. On doit se retrouver entre copines mais il y a la délicieuse petite mère au milieu du programme, allons-y ce sera une rencontre élargie.
Faire sans : finalement, faute de moyens disponibles, on recompose le projet ou on le reporte. Pas de voiture, on va en bus. Pas de râpe, on coupe finement à la main. Pas de marteau, on prend une pierre.
Faire faire : finalement, c'est tellement plus judicieux de déléguer, de confier à un tiers, un vrai pro, ou de demander de l'aide, pour une fois.
Ne pas faire : finalement, la "maturité" grandissant, on en vient à s'interroger, enfin, sur le bien-fondé de l'action. Est-ce incontournable ? Est ce que le sang va couler si je n'agis pas ? Le rêve du pantalon beige alors qu'il ne me reste que deux semaines avant de repartir. Franchement !?!
Ne pas s'en faire : respirer, enfin la liberté, l'insoutenable légèreté de l'être, merci Milos Kundera. Prise de recul, confiance, simplicité.
Sage, mon vieil oncle Willy, établit sa liste avec soin, cela prend du temps et de l'énergie. Soulagé, il s'offre un petit repos. Ensuite, il est peut être trop tard pour attaquer la liste.
Tout recommencer. 1.08.2011
Quelques réflexions personnelles, toutes personnelles sans autre ambition que celle du partage. Ai vécu aux côtés de mon frère, il y a 8 ans, de ma soeur il y a 8 semaines, la traversée d'une chimiothérapie lourde. Peut-elle être autre que "lourde" ? Un vrai anéantissement, un rouleau compresseur qui lamine, lessive, réduit la personne à vivre le quotidien minute par minute, heure par heure, demi journée par demi journée. Prendre une mini décision est fatigant. Faire une démarche est épuisant. Avoir un projet est exorbitant, hors de portée. Deux attitudes : s'impatienter de ne pouvoir pas encore faire ceci ou cela en pensant pouvoir revivre normalement le plus vite possible ou accepter cet état de fait tranquillement en laissant venir les choses. Réfuter ou accepter. Vu de l'extérieur, tout se passe comme si la maladie, la chimio "efface l'ardoise" de la vie. Va vous chercher au plus profond de votre être, bouscule l'identité, interpelle l'image de soi.Tout recommencer. Après la chimio il s'agit de reconquérir son estomac, son souffle, ses forces, ses idées, ses envies, ses sensations, ses projets... à un rythme que l'on ne maîtrise pas. La fatigue tombe, abrupte, sans prévenir, énorme ou passagère. Là encore, refuser en se disant qu'on va gagner du temps ou accepter en ne se disant justement rien du tout. Choix personnels, choix intimes que l'on ne peut qu'observer, respecter, accompagner du mieux de notre disponibilité affective de "bien portant". Etre présent, sur place ou à distance. Aimer et l'exprimer le plus discrètement possible car l'essentiel se passe ailleurs. Mettre de côté ce que cela brasse en soi, aller regarder sa propre "ardoise de la vie". Vivre le moment présent. Partager.
S'informer, mais comment ? 30.07.2011
Pas question de trouver un journal au coin de la rue ou d'avoir accès à des émissions régulières de radio ou TV permettant de "s'informer" sur ce qui se passe dans le monde. Le monde étant écartelé entre le pays où nous voyageons, nos pays d'origine et la planète ! Qu'est ce qui m'intéresse ? Tout ! Surtout ce qui permet de suivre et de comprendre les transformations, terme plus neutre que les évolutions. Haïti, deux après, est-ce toujours la même misère sans nom ? Pourquoi les volcans deviennent plus actifs ici et là ? Que se passe t-il effectivement au Soudan ? Comment va la France et pourquoi Harper gagne t-il les élections au Canada : assiste t-on à une mise en place pérenne de gouvernements de droite/conservateurs dans les pays riches ? Richesse et peur de l'autre vont ils de pair ? Pourtant la richesse se construit sur le dos de l'autre. Et monsieur tout le monde est loin d'être riche en France. Les solidarités se diluent-elles ? La prise de conscience s'indigne mais engage t-elle des actions ? Vaste sujet. Pour revenir à l'information, les pages d'accueil des serveurs de messagerie présentent des "nouvelles". Consternant : conseils diététiques, évènements mondains, figures politiques souriantes ou contrariées, sujets croustillants mais vraiment rien sur ce qui se passe dans le monde. Au menu, une phrase et une photo, zéro calorie certes mais quelle pollution mentale. Consternant également le soit disant dialogue ouvert à tous, l'information en liberté, exprimez-vous, donnez vos commentaires : un flot de jérémiades, de défoulement, des critiques gratuites ou règlements de compte. Cela ne construit rien, ne fait aucunement progresser l'information sur le sujet. Autre source de pollution mentale.
Je suis allée voir les quotidiens en ligne. Un peu plus de contenu, avec en constante, le lien entre une phrase et une photo : les gens ne liraient pas des textes sans photo ? Au comble de la paresse visuelle, il faut d'abord accrocher l'attention avec un cliché puis enfiler quelques lignes, vite coupées (... voir suite de l'article) ? Consternant là encore ! L'apport de fond est réduit voir inexistant, pas de mise en perspective, pas d'explications, pas de vrai commentaire. Est-ce encore de l'information ? Où sont passés les journalistes ?
Mon seul anti-dote depuis 6 ans va vous faire rire. Je pouvais lever les yeux au ciel et admirer les nuages, car tout passe, après la pluie, le beau temps et vice versa ! Nec fluctuat mergitur, la devise de Paris ! Mon anti-dote est un mensuel français, traduit en plusieurs langues. Je les emporte lorsque je reviens au pays car j'ai abonné mes enfants pour être sûre de tous les trouver. Et, plus tard, bien après la date de parution, je peux me plonger dans un article de fond sur des sujets tels que : le printemps arabe, le cyber sex, la culture au Burkina Faso, les banlieues, la bande dessinée, la crise financière et l'impunité des banques, l'économie chinoise, les OGM, les ONG et tutti quanti, autant de sujets variés sur lesquels des journalistes, des chercheurs ont creusé et élaboré un point de vue. Point de vue que l'on peut partager ou réfuter. Là je trouve matière à réflexion. Son nom de code, MD, pour le Monde Diplomatique.
Aventures en Loire, (*) Bernard OLLIVIER, Ed Phébus 14.07.2011
Bernard Ollivier est un grand voyageur, il voyage à pied, sans se ménager, à fond dans l'inconnu des rencontres et des reliefs. Compostelle, la route de la soie, la Loire... et combien d'autres trajets, sac au dos. Les pages 22 à 25 de son dernier livre (*) nous ont touché par leur fantastique pertinence. Extraits :
"Il y a quelque temps, j'ai commencé une sorte de dépression légère qui résultait de cette constatation : je devenais "vieux". Mot terrible, cousin d'effacement et fils de renoncement. Pourtant j'accepte ce vocable et ce devenir. Je sens bien, depuis plusieurs années, que cette énergie qui m'a toujours propulsé vers le haut, et dont je disais que plus on en dépense, plus on en a, s'épuise malgré tout, lentement. Un épanchement goutte à goutte."... "Tout comme j'ai compris, à 40 ans, que je n'étais pas indestructible, j'ai désormais pris conscience que, peu à peu, mes forces m'abandonneront."..."Approche l'heure où je devrai céder la place. Mais comment ? Irai-je prendre un "repos bien mérité" sous les arbres que j'ai planté ? Mérité, ce n'est pas le mot. On devrait dire un "repos forcé", comme les travaux. Je ne veux pas me reposer. Il n'est de repos que dans la mort. Je ne la crains pas, elle, ou plutôt je ne la crains plus. Mais la vieillesse ? Cette vieillesse insidieuse, silencieuse, cette décrépitude qui gagne millimètre par millimètre jusqu'au bord du cimetière. Je veux bien que la mort vienne. Je ne veux pas que la vieillesse me prenne, qu'elle m'ôte, sans que je m'en rende compte, les forces, l'appétit, la virilité, l'énergie, la vitalité."..."J'ai pesé le poids de mes ans, d'une vie merveilleuse. J'attends sereinement la mort. Mais la vieillesse, je ne vais pas lui tracer la route, lui faciliter la tâche. Je vais me défendre. Elle gagnera sans doute. Mais sans moi. Jusqu'au bout de mes forces, je veux garder ma liberté d'agir, de découvrir, de m'émouvoir et d'aimer."
Résolument plus cru, Willy, vieil oncle distingué, s'exprime en deux mots : "la vieillesse, c'est une saloperie".
Depuis combien de temps voyages-tu ? 06.05.2011
Nous commençons notre 6è année, mais Claude et Marie Jo fêtent leur 15è année et, la semaine passée, nous croisons Yan, un cycliste britannique qui pédale depuis 16 ans, principalement en Asie. Il retourne en Angleterre un mois tous les deux ans. 180.000 km en 16 ans, ce que nous avons effectué en 5 ans. Il a croisé Claude et Erika qui approchent des 20 ans ainsi que le doyen des cyclistes, un allemand qui pédale depuis 40 ans, a fait 600.000 km dans tous les pays du monde et maintenant s'est donné le défi de traverser chaque province des pays déjà visités. Le voyage comme un mode de vie ?
Le gardien des mots... no translation !
Nous quittons la fraîcheur des montagnes Cameron en Malaisie et voici soudain un troupeau de chèvres, le premier depuis bien longtemps. Est-ce un berger qui garde les chèvres ou un chevrier ? Nous voici partis à la chasse des "gardiens". Si le gardien des vaches est un vacher, le gardien des poules est un poulailler alors le gardien du cheval est un chevalier, celui des oies est un noyer et celui des canards un canardier ? Dans un autre registre, le gardien des épices est un épicier, celui d'un magasin est un magasinier, sans oublier que le gardien de l'école est un écolier et celui de la prison, un prisonnier. D'accord ou pas d'accord ? Laissons tranquilles : le gardien de nuit, le gardien de but et bien sûr le gardien de la paix. Mais alors, le gardien de jour est sans doute un journalier, le gardien de la loi, un loyer et le gardien du temps certainement un templier ? Qui continue ? Les mômes à vélos ont mordu à l'hameçon. Voici leur production :
Rencontres
Pas facile d'approfondir un échange lorsque la langue commune fait défaut. Les gestes, le regard, la présence silencieuse, le jeu ou une activité partagée un moment vont parfois faire vibrer l'échange. Ces instants restent gravés avec, en toile de fond, un immense champ du possible qui n'a pas trouvé sa pleine concrétisation. Le voyage nourrit de ce qui est pourtant si fugitif. Pas de mémoire photographique, la seule mémoire du coeur. A d'autres occasions, la rencontre s'ouvre pleinement, dans l'immédiat, dans la quasi urgence de profiter de ce moment de face à face imprévu. Un cadeau qui survient au détour d'une balade, au coin d'une table de restaurant, sur la route lorsque une silhouette agite ses bras dans votre direction ou qu'un autre voyageur surgit, etc. Il y a une telle intensité dans l'échange que tout se place au plus simple de la vraie rencontre. Peu importe qui tu es, comment tu vis ou comment tu voyages, c'est ici et maintenant que nous sommes ensemble. Il n'y a pas à "faire connaissance", pas de préalables, pas de barrières, le partage s'effectue sur le présent de chacun. Et, comme dit avec humour Paul rencontré en Colombie il y a quatre ans, les questions de base fusent : quelle route as-tu pris ? où vas-tu dormir ce soir ? quelle est ta prochaine étape ? Lorsque le temps le permet, l'échange va explorer les moments forts vécus, les motivations du voyage, les perspectives du retour, les problèmes en cours, etc. Difficile dorénavant d'imaginer des relations avec des "inconnus" redevenir conventionnelles ! C'est peut-être cela aussi la "purge" du voyage ?
Rencontres de rencontres
Dubaï, Markus (*) à gauche arrive d'Asie et croise Paul (**) qui quitte l'Afrique en direction de l'Iran avec Brigitta qui a pris la photo.
Nous les connaissons chacun séparément et nous venons de recevoir cette photo de leur part. Colombie, Cartagène, juin 2007, Paul et Brigitta vont expédier leur véhicule vers Panama alors que nous attendons le nôtre en provenance de Panama. Deux soirées mémorables à l'hôtel Bella Vista. Les cartes sont étalées sur les tables, les échanges d'informations vont bon train. Paul me surprend, il a planifié son itinéraire jusqu'à 2012, la précision suisse ? Nos itinéraires se croisent, nos façons de voyager se ressemblent. Nous gardons le contact et échangeons des informations utiles, surtout ces derniers temps lorsqu'il chemine vers l'Asie (accès en Iran, traversée du Pakistan, shippings, etc). Nous avions rencontré Markus, un Suisse de Lucerne, un bref moment sur le parking du Grand Canyon aux USA en octobre 2006, sans autre contact ultérieur. Dix huit mois plus tard, en Argentine, nous cherchons un bivouac tranquille au bord d'un petit lac. Fin de journée, nous allons marcher en forêt et tombons sur un autre petit lac où Markus s'est installé ! Belle soirée sous un ciel étoilé. La troisième rencontre fortuite avec Markus aura lieu au Népal en avril 2010, nous le croisons, à pied dans la rue principale de Pokhara. Bien d'autres rencontres spontanées pourraient être évoquées dans leur contexte original : Marc et Herlinde, Olivier et Katarina, Fred et Anne, les Six en route, Claude et Erika, les Claventure, la Tortue Sélène, Yann et Géraldine, Joëlle et Klaus, Claude et Marie Jo, nos ornithologues favoris, Karine, Claire, Séverine et ses complices parisiens, Hubert le motard aux lunettes rouges, Christine et Marc, Nico et Ingrid, les mômes à vélos, etc. La liste est bien plus longue et les souvenirs uniques et intacts. Voir Liens.
(*) la Syrie a refoulé Markus, témoin potentiel des dramatiques événements actuels ? 7 heures à la douane : véhicule entièrement vidé, pneus démontés, inspection draconnienne, il a pu entrer en Israël.
(**) Paul et Brigitta ont pris leur temps au Pakistan et vécu des moments inoubliables sur la Karakorum hightway.
Fin de travaux, décembre 2010
Journées de solitude en bord de plage, du repos après les grosses chaleurs et la semaine passée dans la capitale. Mais ici aussi la chaleur est au rendez-vous, juste un peu atténuée par la brise et les orages quotidiens. Lire ? Ecrire ? Rêver ? Naviguer sur la toile ? Cette toile des liens qui nous relient par la pensée sans le support d'une connexion internet. Mes travaux de doudous pour les enfants recueillent toute mon attention. Moment de partage avec eux. Ceux qui sont nés, Casimir pourra mettre sa photo dans la lucarne de la locomotive, Anna-Belle pourra mordre dans les initiales de son prénom et une poupée chiffon pourra accueillir la petite soeur de Casimir qui s'en vient en avril. Un doudou home made ? Raccourcir les manches d'un Tshirt, tailler dans une taie d'oreiller, découper les tissus achetés à Victoria l'été passé au Moon Quilt. Tout se relie, les matériaux, les idées et les destinataires. Chaque petit point est une pensée, un câlin, un rendez-vous proposé pour plus tard, une immense disponibilité. Mais une fois les doudous terminés, je constate que je n'ai pas de beau papier cadeau. Qu'à cela ne tienne, je ferai des pochettes assorties ! Résultat des travaux.
Quatre lignes...
Quatre lignes, un court message reçu de l'un d'entre vous, vous n'imaginez pas le cadeau ! Une pensée qui se transforme en présence. L'inattendu. Un moment de votre quotidien qui nous rejoint. Trop souvent la censure pèse : "je n'ai rien de sensationnel, pas de choses originales à raconter à vous qui voyez tant de choses peu ordinaires". Une frontière entre l'original et l'ordinaire alors que tous les deux sont en Or ?
Un secret temporaire !
Surtout n'en parlez pas à Casimir, sa grand mère s'est lancée dans la confection d'un train "coup de coeur". Il ne fera que le bruit de sa clochette attachée à la caboose. Il foncera dans le blues du jeans qui lui sert de toile de fond et soufflera de la fumée garantie biologique, à l'orifice de sa cheminée jaune canari. Le plaisir, pour la grand mère, de fabriquer un petit quelque chose qu'il pourra, s'il en a envie, accrocher à son lit, y cacher ses trésors et s'endormir en classe couchette. Mais il lui faudra insérer sa photo dans le hublot du conducteur. Etapes et résultat final. Avec ou sans bordure ? pas encore décidé !
Cela ne tient qu'à un fil...
Un coup de fil, avec la téléphonie sans fil, cela ne tient qu'à un fil, pour ne pas perdre le fil sur le fil du rasoir, au fil du temps ou au fil de l'eau, voici le fil des choses, sans se donner du fil à retordre : un fil à couper le beurre, un fil de pêche, un fil à la patte, un fil de soie, un fil électrique, un fil conducteur, un fil de trame et un fil de chaîne, un fil à plomb, un fil rouge, un fil de fer, un fil d'Écosse, un fil de lumière, sans oublier, en file indienne, le filiforme filament et le filou filao sous le firmament des étoiles filantes. Mais voici, en filigrane, la philosophe Philomène qui file le parfait amour avec Philogène, un vrai rossignol philomel qui est aussi le philantrope de la Philarmonique de Philadelphie. Qui va reprendre le fil ?
La cousine de Blaise : "Punaise, j'ai un malaise" dit la cousine de Blaise, une maltaise obèse et pas peu balaise à l'aise sur son alèse ; "c'est de la foutaise, ces fraises à la mayonnaise".
J'en connais un rayon : rayon de soleil, rayon des antiquités, rayon de vélo, rayon vert, rayon alimentaire, rayon X, rayon d'espoir, rayon d'action, rayon de miel, etc. Qui dit mieux ?
Il n'y a pas de fumée sans feux, pleins feux sur : feu de cheminée, feu de paille, feu de bois, feux follets, feu de Dieu, feu céleste, feu au lac, feux d'artifices, feu au cul, feu d'enfer, feu arrière, feu vert, feu rouge, feu doux, feu vif, grand feu, feu de forge, feu de la Saint Jean, feux de détresse, feux de braises, arme à feu, feu Docteur Schweitzer...
Le PIF ou nez en argot... (*)
Le "pif" ou nez en argot, il faut en avoir en voyage pour sentir les situations, les gens, les endroits. Ne pas se laisser guider uniquement par son rationnel, son programme, les informations des cartes, des guides ou du GPS. Mais le PIF est aussi, à mon avis, un des risques majeurs dans le voyage longue durée. P comme pression : résister à la pression continue de l'inconnu, des situations stressantes dans lesquelles on ne maîtrise pas grand chose (conduite automobile éprouvante, arcanes administratives, attentes des résultats d'une démarche, dialogue impossible avec une autorité mal intentionnée, échéance incontournable, etc ). I comme isolement : perdre le contact avec ses proches, solitude sans rencontrer d'autres personnes avec lesquelles parler sa langue, partager un moment privilégié dans le voyage, sentiment de vivre en "solo duo" pour résoudre les problèmes du monde et de la vie quotidienne ! F comme fatigue : le pire des aléas du voyage, la fatigue qui s'installe sans qu'on la perçoive. Cette fatigue qui va user les capacités d'enthousiasme, la curiosité, l'attention aux autres, l'intérêt pour l'environnement. On survit alors en mode exclusivement fonctionnel. On passe à côté de la vie, à côté de l'essentiel. Baromètre à surveiller comme le lait sur le feu. La fatigue ouvre tout grand la porte à tant d'autres aléas, bonjour les dégâts ! Mais, coup de chance, la fatigue, cela se soigne ! Repos, rythme modéré, ressourcement, vacances, etc. Le PIF et ses ravages donc, en voyage, il est vital de savoir prendre des vacances dans les vacances, au bon moment.
(*) Ce texte complète le PS 1 du Texto : Réponse à LA question : comment faites vous pour vivre ensemble 24h sur 24h ?
10 secondes, il me manque 10 secondes. 30 novembre 2010.
Dernier jour de novembre, 9 heures du matin, nous voulons faire quelques achats avant d'entrer en Thaïlande. Nous allons nous garer sur le parking du Carrefour de Butterworth. Parking désert, pas tout à fait, une moto surgit derrière moi, le sac de commissions que j'avais accroché à mon épaule est violemment arraché. Je pars en vrille et retombe d'un bloc sur le nez. Je retrouve mes esprits à quatre pattes par terre, sonnée, le nez dégoulinant, la sensation du vide sur mon épaule gauche. Les pensées reviennent, ça alors, j'ai été agressée. Est ce que je suis entière ? Il me semble que mon nez part sur le côté, est-il cassé ? Un gros point au plexus, du mal à respirer, est ce que des côtes sont cassées ? Est ce que mes poignets marchent encore ? Et la tête, a t-elle touché le goudron ? C'est chaud le sang, pourquoi ne s'arrête t-il pas de couler ? Au fait, qu'est ce que j'avais dans ce foutu sac ? Des mouchoirs, un petit carnet et un stylo à quatre couleurs... mauvaise pioche pour le voleur. Un casque noir à rayure jaune, c'est la dernière image qui me reste avant les 10 secondes de "blanc", si on peut dire !
Des voix, Jacques est là. Il m'installe dans Pgaz à l'arrière. Les gardiens du centre commercial sont désolés et vont nous guider vers l'hôpital voisin. Radios du nez et du thorax, non rien de cassé, des mèches enfoncées dans les narines pour stopper le sang qui coule. Le médecin voudrait me garder 24h. Après 4 heures je négocie une sortie anticipée. Nous revenons à Penang, à Way2, le centre pour enfants autistes animé par Sylviane. C'est comme "un retour à la maison", dans un endroit où nous avons passé de si bons moments. Accueil chaleureux, cela fait du bien, beaucoup de bien. Merci. Résultat fleuri, qui l'emporte en délicatesse ?
Les jours suivants il semblait que tous les muscles de mon corps se rappelaient peu à peu à mon bon souvenir. Courbatures, articulations ankylosées, dos douloureux, etc. Sorte de passage en revue général ! Tous se sont mobilisés lors du choc, ont tout fait pour amortir la chute. J'ai comme un corps "en chantier" qui se relâche, aspire à la douceur de vivre. Prendre le temps de "faire respirer" chaque cellule, de relier les zones, de retrouver tranquillement mon intérieur chahuté. Merci Jean Blaise.
Vous êtes fous ! Mais pourquoi voyagez-vous ?? Et après ?!?! 5 novembre 2010.
Vous êtes fous ! Combien de fois avons-nous entendu ou ressenti cette réaction. Fous de quitter la famille et les amis, le pays, la maison. Fous de partir si loin dans l'inconnu. Fous de dépenser tout cet argent en voyageant de la sorte. Fous de prendre tant de risques physiques, économiques, relationnels... Fous d'être seuls sur la route, sans l'appui d'un groupe, d'un sponsor, d'un commanditaire ou d'un autre équipage. Fous ? c'est fou, ça alors ! Effectivement, cela s'écarte des normes qui sont habituellement, à notre âge, de privilégier la sécurité. L'inconnu fait peur, il fait peur parfois même dans son quartier. Dépenser tout notre argent ? Nous dépensons moins en voyage qu'en résidant en France ou au Canada. Nous vivons, en voyageant sans nous priver avec, en moyenne, 30 euros par jour et par personne. Si on ajoute 30 euros pour l'amortissement de Pgaz sur 5 ans il nous reste chaque mois encore une partie de notre pension de retraite. Et les différents risques ? Il n'y a pas d'assurance contre eux, ils existent, on ne peut pas les déjouer. Nous pouvons seulement être attentifs et vigilants pour réduire les risques majeurs. Nous avons appris à ralentir le rythme, revoir l'itinéraire en éliminant certains pays ou sites, opter pour des escapades sac à dos sans Pgaz, ou encore comme l'été passé, apprécier des "vacances de voyage". Car voyager en solo est une activité très exigeante. Chaque jour il faut établir le programme et préparer la suite, s'approvisionner, trouver un lieu de bivouac agréable ou rouler vers la destination envisagée, trouver son chemin, profiter du paysage et des rencontres, adapter l'itinéraire, effectuer des démarches, se trouver un lieu pour dormir tranquillement le soir, chaque soir. Rien n'est acquis, certes l'expérience et le rodage après quelques temps passés dans un pays permettent de développer des réflexes et de mieux percevoir les solutions possibles, mais tout reste très aléatoire. Disposer des points GPS d'autres voyageurs est une indication précieuse pour se trouver un lieu de dodo mais nous ne passons pas nécessairement à la bonne heure, l'accès est peut être fermé, il y a une fête villageoise ce soir... Compter sur soi et sur sa bonne étoile ! Dans les pays sur-peuplés comme en Inde nous avons eu recours aux parkings d'hôtels, au Bangladesh, encore plus peuplé, nous avons sollicité des ONG et toujours reçu un accueil chaleureux pour passer la nuit dans le jardin.
Mais pourquoi voyagez-vous ?? Aller sur place, faire l'effort par soi-même de la découverte de ce qui interpelle, de ce qui fait rêver, de ce qui n'est pas toujours couché sur du papier glacé dans les livres ou les revues. Aller vers l'Autre, l'autre culture, l'autre personne, l'autre pays. Tenter de dépasser les clichés et a-priori sur les peuples et les pays visités. L'information ambiante qui circule "chez nous" est tellement différente de ce que l'on peut observer sur place. Il y a tant de pays dont on ne parle jamais dans les médias. Et le discours diffusé est exclusivement centré sur les aspects négatifs finissant ainsi par associer étroitement dans l'esprit des concitoyens une position gouvernementale ou un événement catastrophique aux habitants de ce pays. Cela arrange, de mon point de vue, les médias et les gouvernements qui les supervisent, de propager la peur de l'Autre à grande échelle. Combien de fois, dans nos échanges de bord de route, ces échanges avec les gens du cru, nous avons été questionnés sur ce que pensent les Français ou les Canadiens de leur pays. Peut être nous questionnaient-ils parce que nous venions vers eux avec une attitude simple et ouverte en commençant par un Bonjour ! L'Iran, la Colombie, le Pakistan, pour ne prendre que ces trois pays visités font trembler la planète. Oui, il y a des positions gouvernementales extrêmes, oui, il a des trafics sauvages à grande échelle dont profitent d'ailleurs nos pays respectifs avec les ventes de produits licites et illlictes. Mais une fois sur place, quelle attitude ont les gens vis à vis d'étrangers occidentaux comme nous ? Les relations de personne à personne sont en général de la plus grande simplicité, humanité et courtoisie. Dans ces trois pays nous nous sommes sentis acceptés, accueillis, parfois invités en famille, objets d'attention : non, ne restez pas dormir ici, venez plutôt là. Autant d'occasions d'échanges absolument uniques ; de ces échanges qui réduisent un peu les a-priori mutuels, qui tissent des passerelles, des liens de personne à personne, qui seront des jalons positifs dans la suite de la vie de chacun. Même modestes et dérisoires, ces moments font avancer les choses autrement que par la peur les uns des autres. J'investis de la présence et j'y crois. De la Présence. De la présence de personne à personne, allons-y pour les 3P ! Nous avons tant d'images joyeuses en tête de défilés dans Pgaz : le village entier vers Yadz en Iran, les femmes s'asseyant sur les coussins en riant de voir l'eau courante à l'évier, les moines du Monastère Bon tâtant notre couchage, le bus de Colombie venu au complet après que nous ayons eu un si bon échange avec deux de ses passagers, les femmes de l'école de menuiserie à Baltit au Pakistan... Le témoignage vécu marche dans les deux sens : ici je vous écris à vous qui me lisez, là bas dans le village ou l'école vous parlerez aux vôtres également. Certes il y a des zones dangereuses où il ne faut pas aller, mais cela ne doit écarter le pays tout entier de la découverte de ses habitants... parfois tellement désolés du discours dominant sur eux, comme par exemple cette réaction : alors vous n'avez pas peur de nous qui sommes dans un pays musulman ?
L'expérience personnelle est éphémère, elle est unique, elle est fragile et si riche en même temps. Elle est une occasion fantastique de se découvrir, d'aller au fond de soi-même, de s'ouvrir aux autres, de se défaire de carapaces, de certitudes, de mettre à l'épreuve ses talents et ressources les plus cachés. Les voyages forment la jeunesse et testent la vieillesse, signé Elisabeth, 64 ans. Les voyagent forment la jeunesse et fortifient la vieillesse, signé Jacques 70 ans. Il y a toujours à choisir dans le voyage : impossible d'aller partout, de tout voir ou tout vivre ! Il y a autant de voyages que de voyageurs. Nous n'avons aucun état d'âme à ce sujet et du respect pour chaque forme de voyage sans modèle de référence, sans jugement, d'ailleurs au nom de quoi ? Par contre, il y a d'authentiques explorateurs comme Caroline Riegel rencontrée au Pakistan, impressionnante par son engagement personnel si total et si dépouillé (voir ses deux livres : Soif d'Orient et Méandres d'Asie aux éditions Phébus). Quelle diversité de voyageurs à vélo, à pied, en véhicule, en bateau... Ce qui fera la différence de l'un à l'autre sera le moteur, la raison d'être qui a fait quitter l'ancrage initial, larguer les amarres pour un temps et la façon vivre le voyage. Ecouter, observer, échanger, chercher à comprendre et peut être mieux se comprendre... nous vivons le même processus lorsque nous rencontrons un autre voyageur. Et quel suspens lorsque c'est une famille entière que nous croisons en chemin ! (à suivre)
Et après ?!?! Vous serez totalement décalés, impossible de vous recaser au pays, comment allez-vous faire pour "rentrer" ? En effet, la question se posera car je ne me vois pas voyager encore 12, 15 ou 20 ans comme nous en avons eu connaissance. Je ne me sens pas devenue une nomade à temps plein. Rentrer ? est-ce comme "partir", un choix de vie catégorique ? Il y aura du "lâcher tout" : lâcher le voyage avec sa liberté de mouvement instantanée, lâcher une casa rodante/maison sur roulettes pour un lieu fixe sans doute plus grand (pas difficile de trouver plus grand !), lâcher le duo-solo et se retrouver les deux au milieu des siens, lâcher l'inconnu total et retrouver du "connu" qui aura lui aussi changé, rentrer avec quelques années en plus, la même femme ou différente ?... bien des paramètres. Pour le moment la question n'est pas à l'ordre du jour, mais comme j'ai du temps en Malaisie en attendant Pgaz dont le container sera bientôt disponible en provenance du Bangladesh, je gamberge volontiers. Rentrer ? Il me semble que ce sera une plongée dans du connu/inconnu. Une page blanche à écrire sans copier sur l'épaule du passé. Un dessin à composer le plus librement possible, pour vivre au plus près de la nouvelle réalité personnelle dans un environnement à considérer avec des yeux neufs. Il y aura les étapes obligées avec les coups de tampons, démarches et papiers à gérer pour revenir au pays. Mais l'essentiel est ailleurs, dans les relations, dans la disponibilité, dans les activités possibles. Retrouver ceux qu'on aime, franchir l'écran de Skype pour vivre un gros câlin, un peau à peau pour de vrai, avec l'émotion fulgurante qui traverse toutes les cellules, mêle le rire et les larmes. Sentir cette joie profonde qui enveloppe les uns et les autres qui confirme une fois de plus la force de ces liens venus eux aussi de si loin. Famille et nouveaux venus dans la famille, amis d'hier et d'aujourd'hui, la chance de pouvoir nourrir ces relations en direct. Serons nous décalés ? Vous nous aiderez à nous "recaler" avec un peu de patience, de tolérance et d'humour si nous cuisinons avec trop d'épices, si nous sommes habillés d'une drôle de façon, si nous parlons trop de "là bas", si nous avons trop vite de nouveaux projets de ... voyages ! Il y aura aussi le plaisir infini de parler sa langue au quotidien, d'aller au café du coin, de lire, de s'informer, d'entrer en librairie ou en bibliothèque, de retrouver le chemin du cinéma et du spectacle, de remettre ses chaussures pour marcher sur des sentiers dégagés et balisés... Il y aura les moments de froid, le plaisir de mettre un pull, un anorak pour marcher dans le vent glacé avec un nez rouge ! Il y aura les moment de solitude, le silence et l'isolement propices à des retrouvailles avec soi même. Il y aura des périodes de doute, se sentir perdu au milieu de tant de facilités alors que la planète humaine souffre. Je pense que le plus grand décalage tiendra là précisément : pourquoi avoir tant ici et si peu là bas. Comment se situer, comment agir : il y a "ici" aussi tant de misère et de souffrance visibles et cachées. Rester dans la présence. Ce sera un autre voyage dans son propre pays. Lequel ? That is the question. Car plus de maison en Terre Mère, pas d'habitation qui nous attende au retour. Une particularité : au Canada, c'est Jacques qui s'occupe du logement et de la voiture utile, en France, c'est Elisabeth qui en a la charge. Chacun son pays, chacun ses responsabilités pour la communauté. Je ne peux esquisser qu'une demi-réponse, pour ce côté-ci de l'Atlantique, réponse qui sera peut-être en temps partagé, qui sait ? (à suivre).
Tentative de réponse à LA question : comment faites vous pour vivre ensemble 24h sur 24h ?
LA question, celle qui nous est posée si souvent... comment faites-vous pour vivre ensemble 24h sur 24h en voyage depuis tant d'années dans un espace si réduit ? L'amour ??? Oui, oui, oui mais pas seulement. Eh bien, après avoir interrogé Jacques et réfléchi de mon côté, voici cinq éléments qui pourraient être nos piliers pour le moment... avec deux Post Scriptum de relativité.
+ Un projet fortement partagé, appuyé par les trois A : appétit de découverte, accepter des conditions de vie sommaires, assainir ses peurs. Chacun des deux a envie de découvrir un bout du monde, même si nos centres d'intérêts sont parfois différents. Devenir nomade, c'est accepter dans la durée des conditions de vie aléatoires, bien moins confortables, stables et assurées qu'à la maison. Assainir ses peurs signifie d'avoir "ouvert la boîte à peurs", si j'ai peur de l'inconnu, tout étant inconnu, je ne peux même pas partir de chez moi, donc si une "peur" surgit, vite ouvrons la boîte : de quoi ai-je peur concrètement ? ...très concrètement, souvent cette question suffit à calmer le jeu et ne pas donner prise à des peurs non-fondées. S'il reste quelque chose, le dire simplement et l'aborder en "problème à résoudre".
++ Une solidité personnelle, sorte d'hygiène de vie, de discipline intérieure visant à gérer par soi-même son état quotidien. Chaque matin démarrer la journée de bonne humeur ou au moins au point neutre. Prendre soin de sa santé physique, émotionnelle et mentale, relier le corps, le coeur et l'âme. Se recentrer sur les essentiels, pratiquer la méditation par exemple pour moi (cela pourrait aussi être du yoga, taï-chi, arts martiaux...), écouter la petite voix intérieure. Ne pas laisser la fatigue prendre le dessus. Cultiver la patience, la tolérance mais ne pas tolérer ce qui menace ou détruit l'équilibre personnel. L'attention envers soi mais aussi envers l'autre : comment va t-il ? y a t-il des signes de risques liés à un trop plein de fatigue, d'émotions, de tensions ?... dédramatiser résolument, pratiquer l'humour aussi souvent que possible.
+++ Entretenir le contact, le dialogue, déjà entre nous deux au fil des jours : met-on des mots sur nos ressentis ? a t-on vidé la boîte à non-dits ? comment se dire les choses lorsque les mots viennent difficilement ? si la parole est difficile, alors écrivons. Contacts et dialogue avec nos proches : comment vont-ils ? que vivent-ils en ce moment ? qu'est ce qui s'annonce dans leur environnement ? comment leur faire part de ce que nous vivons à distance ? Ne pas inquiéter inutilement si les choses, de loin, peuvent sembler alarmantes comme par exemple, le seul fait de voyager en Colombie, en Iran, au Pakistan peut susciter de la crainte. Contacts et dialogue sur la route, avec les locaux rencontrés. C'est un de mes trois ressourcement en voyage. La rencontre, l'échange, la découverte des gens en chemin. Parler lorsque la langue commune le permet, passer un moment ensemble pour découvrir une activité en cours, partager une tâche, rire de mes maladresses de grande débutante si je ne tamise pas la semoule aussi vite ou si je ne pèle pas les betteraves de la bonne façon ! S'asseoir ensemble au soleil, jouer avec les enfants, gonfler des petits ballons et se les renvoyer à la cantonnade... que vivent-ils ? comment font-ils face chaque jour ? quel est l'avenir des enfants ? quels sont leurs talents, comment réussissent-ils ces objets, ces travaux...? Tout m'intéresse ! Le regard, l'attention, l'observation servent aussi de dialogue lorsque le contexte est limpide, sans autre enjeu que celui de la rencontre de personne à personne. Rencontres aussi bien sûr avec d'autres voyageurs ! Parfois ce sont quelques instants ou quelques heures, mais l'intensité de l'échange s'inscrit au plus profond dans le coeur. Je peux décrire très précisément les moments passés avec tel ou tel voyageur il y a deux, trois ou quatre ans, moments qui ont initié un lien fort, très fort.
++++ Transformer les différences en complémentarités : tout nous oppose, tout peut être source de difficultés. Il faut construire avec ce "tout" si explosif. Un homme, une femme. Un canadien, une française. Un sportif avéré, une marcheuse du dimanche. Un amateur de café, bière, spaghettis, bacon... au sirop d'érable et une amatrice de thé, parfois vin, riz, desserts...et chocolat. Un conducteur tout terrain, une conductrice d'asphalte. Un ascète, une épicurienne. Donc... comment s'en sortir dans un espace si réduit avec un programme si commun puisque nous voyageons de concert ? Nous avons défini des territoires, territoires de deux sortes : territoires physiques (mon casier, ton casier de rangement) et territoires de compétences ou responsabilités (le véhicule, les papiers, la nourriture, l'entretien, les relations extérieures, comme demander son chemin, parler à la police...). Etre responsable, signifie que l'autre ne va pas interférer, même s'il aurait bien volontiers proposé une solution différente ! L'autre laissera faire ou se mettra en posture de main-d'oeuvre disponible s'il sent que cela peut aider positivement. La limite du "territoire" est l'indispensable polyvalence pour se relayer, s'épauler, s'entraider... Il faut conserver un entraînement effectif pour être capable d'assurer la "relève-minute" en cas de besoin. La seconde limite serait le trop plein de charge perçu comme tel : si je prépare l'itinéraire, comment y participes-tu ? L'un reporte sur la carte-papier les informations clés du LP (guide Lonely Planète), l'autre recherche des informations plus historiques ou sociologiques. Encore faut-il se rencontrer et confronter les points de vue.
+++++ Attitudes et qualités, en vrac : enthousiasme et capacité d'étonnement, pragmatisme, endurance, attention et vigilance dans la durée, confiance en soi et dans l'autre, ouverture d'esprit et curiosité, patience, tolérance, très grande tolérance entre nous, vis-à-vis des autres personnes, cultures, mentalités, réactivité pour saisir des opportunités ou réduire un risque, connaître, très concrètement, ce qui ressource personnellement et surveiller les seuils avant l'alerte rouge. Mes trois principaux ressourcements : le contact humain déjà évoqué plus haut, vivre dans la nature et contempler la beauté qu'il s'agisse d'un édifice, de montagnes, d'espaces, d'objets, de savoir-faire, d'animaux, de tissus, de couleurs, de jeux de lumières.... Je prends conscience d'un quatrième ressourcement, l'écriture photographique, écrire et photographier, relier textes et photos.
Post scriptum 1, en pleine conscience d'inachevé, il faudrait compléter ce descriptif par celui des écueils et risques majeurs. Je veux évoquer la fatigue, cette fatigue qui s'installe sans qu'on la mesure nettement, s'insinue et grignote la vitalité comme une chenille sur une belle feuille verte. Le risque peut aller dans plusieurs directions : lassitude de la découverte, repli sur soi, usure relationnelle oubliant les basiques de la communication, vigilance émoussée, somatisation...
Post Scriptum 2, en guise de conclusion : ces cinq éléments ont été efficaces jusqu'à présent, mais la formule peut évoluer. Alors, laissons ouverte la réponse à la question initiale et attendons les réactions. Qui commence ?
Sikkim et Darjeeling Ouest Bengal (écrit par Séverine)
J'accueille ici les écrits d'une tierce personne avec un vif plaisir. Une fois n'est pas coutume, je viens de recevoir les impressions de Séverine Denis, rencontrée avec Joël et Sylvie à Darjeeling, ils revenaient d'un voyage au Bouthan. Une de ces belles rencontres qui vous marque. Séverine écrit :
"Votre voyage, tel que vous le concevez et le vivez, m'a personnellement beaucoup touchée... moi qui suis un Sujet aérien, sans cesse en mouvement et qui me recharge au contact de la nouveauté au détour des multiples chemins, je ne peux m'empêcher de "voir" dans notre croisement chaleureux et vrai une sorte de signe intime qui a répondu étrangement à une grande partie des questions que je transportais avec moi au départ de mon propre voyage organisé vers le Bhoutan et l'Inde de l'Est... étrange magie de la Vie...
Découvrir les plus hauts sommets himalayens, enneigés et mâtinés de dorures solaires fut un spectacle époustouflant et les appareils numériques d'aujourd'hui, bien que très commodes, ne parviennent cependant pas à restituer ce que l'oeil, mais surtout le coeur, a reçu au moment où nos regards furent magnétisés par le panorama qui s'ouvrait devant nous à Pellim. Nous sommes redescendus le lendemain, par la même route bien sûr défoncée comme toutes les autres, en lacets interminables vers Kalimpong. Mais quelle beauté encore que d'être entourés par une forêt de montagne aussi dense et luxuriante ! Pins majestueux, eucalyptus interminablement élancés, aloès géants aux longues feuilles rayées gracieusement, hibiscus à fleurs doubles d'un rouge éclatant ou carrément jaune effronté, lianes volubiles étranges et enlaçantes, bosquets de cosmos blanches et mauves surgissant sans prévenir au détour d'un virage aigu, tapis verticaux de fougères aux longues tiges où se déploient - ô merveille ! - un treillis végétal tout en perfection géométrique, et puis aussi des tas de petites fleurs discrètes blanches, violettes, jaunes, roses, piquetées, dont on voit bien qu'elles ont une endurance exceptionnelle derrière leur apparente délicatesse de porcelaine. Je n'ai eu de cesse de m'ébahir devant ces fréquentes cascades en dentelle aquatique dévalant les falaises avec un énergie colossale. Et puis ces énormes nuages veloutés qui descendent majestueux, dès le matin, vers les demi-hauteurs montagneuses, baignant toute ville ou village d'une atmosphère fantomatique dans laquelle on rêve de plonger ! Oui, vraiment, lorsqu'on cesse d'analyser et que simplement on regarde la totalité et l'infini du vivant, on ne peut que se sentir vivant au plus intime de Soi..."
Séverine DENIS
http://www.eyrolles-serveur.com/email_sp/54559/
Derrière les apparences, il y a toujours une autre Vérité... Regarder la mélodie du vent et c'est tout... Pourquoi résister au courant ? Lâcher prise et vivre en harmonie...Porter l'eau pour le thé et le faire totalement...Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas et vice versa... Monnet est au Bhoutan aussi !
Moments privilégiés, mi-septembre 2010
Hôtel Summit à Katmandou, un sas avant de reprendre la route avec Jacques, deux journées de solitude, tout confort. Confort ? une chambre tranquille, des fauteuils profonds sous les arbres, du tchaï plein la théière, du temps pour se retrouver, faire le point, ne rien faire et faire rien, ce qui est tout à fait différent. Un entre-deux avec soi-même. Plénitude de l'instant présent. Instants successifs, comme dilatés de leur fuite continue. Et on est toujours là, identique et différent. Le pétillant de la joie profonde, joie qui est revenue m'habiter, signe des retrouvailles avec soi-même. Cadeau, cadeau que l'on s'offre, parfois à l'issue de remises en cause drastiques, de traversées du désert décapantes ou de quarantièmes rugissants qui ont fait avaler quelques tasses d'eau bien salées. C'est le chemin. "On ne va jamais aussi loin que lorsqu'on ne sait pas où on va", Christophe Colomb. Sans le nom de l'auteur, cette phrase porterait-elle le même sens ?
10 jours au Tibet, en juin 2010
Courte immersion dans la réalité tibétaine, venant du Népal : trajet aller en voiture, retour en avion. Le tempo est donné dès la frontière : fouilles et re-fouille, contrôles et re-contrôles 10 mètres plus loin, guide obligatoire pour suivre l'itinéraire pré-établi et chauffeur le nez sur le guidon, "en voiture Simone, je conduis, tu la fermes et je klaxonne". Bon ! Les paysages des hauts plateaux sont saisissants, les villages éloignés ont encore leur originalité avec des maisons différentes : chacun a son enclos, son style de vie. Peu à peu l'architecture à la chinoise ou à la soviétique va s'imposer : alignement de maisons cubes, des trottoirs et le must, les blocs composés du couple inséparable : garage ou commerce en bas et au dessus, un logement mouchoir de poche. Les tibétains se reconnaissent à leurs visages et leurs tenues traditionnelles surtout les femmes. Plus on approche de Lhassa, plus on voit des policiers, des militaires, des gardiens... 5 par 5 ils arpentent les rues, les places, les abords des temples, surveillent depuis les toits. Partout une présence policière visible, massive sans compter les surveillants en civil qui vont vous suivre si vous parlez à des tiers. Circulez, circulez... ce que font une foule de "pèlerins". Est-ce la dernière façon de pouvoir "s'exprimer" en public ? partout des gens marchent le moulin à prière dans une main, le chapelet dans l'autre. Ils marchent d'un bon pas autour du Potala, des temples, des monastères, des stupas... à toute heure. N'ayant pas pu ou su établir, ne serait ce qu'une modeste relation "humaine" avec notre jeune guide, nous avons été privés de toute "médiation" possible de sa part. Il nous restait les yeux pour observer, sans pouvoir questionner ni creuser... et les oreilles pour écouter les autres guides, attentionnés, informer leurs visiteurs.
Mai 2010, notre 5 ème année sur la route commence
Le 6 mai 2010, nous entamons notre 5ème année de voyage avec Pgaz. En totalisant l'ensemble de nos autres périodes de voyage soit longues (comme cette année sabbatique consacrée au sud de l'Afrique, à la Turquie, au Moyen Orient et au Canada), soit courtes (en Scandinavie et au Portugal)... nous avons vécu Jacques et moi depuis notre rencontre au Maroc en février 2002, plus de temps en voyage qu'à la maison à Lyon. So what ! Je n'ai pas de conclusion, j'ai seulement en tête LA question souvent posée, "comment faites-vous pour vivre ensemble 24h sur 24h ?" Nous avons appris à se recentrer sur les essentiels ! La force et la fraîcheur de l'amour constituent seulement un terreau, mais qu'en fait-on ? Tolérance, humour, projet commun, relativité, pragmatisme, patience, autonomie dans son "territoire", tirer parti de la difficulté pour grandir... voici quelques uns des ingrédients de notre quotidien. Sans oublier de prendre des "vacances de voyage" régulièrement ! Cela peut être un retour aux sources familiales et amicales mais aussi une période de repos dans un environnement de nature, une escapade sans Pgaz vers une destination intéressante, quelques jours passés avec des personnes tellement sympathiques... A titre personnel, l'écriture joue aussi ce rôle de "vacances de voyage". Choisir dans la déferlante des impressions, des émotions, des images, des interrogations, tellement plus nombreuses que les réponses récoltées, ce que je vais mettre en mots. Ecrire déjà pour moi puis le partager avec ceux qui font l'effort de venir lire ces lignes. Quel privilège de pouvoir écrire sans contrainte ! Quel plaisir de choisir des photos à sa guise ! Quel cadeau de recevoir des réactions ! Et s'il n'y en a pas, la joie profonde aura été dans ce vide, cette "vacance", ce temps avec soi-même, cette prise de recul, l'identification des sujets à creuser ultérieurement par la lecture de livres, revues, documentaires. Entrer dans le silence. Importance de fermer les yeux pour mieux voir ce qui est advenu ! Avec cette immense insatisfaction de ne pas forcément comprendre pleinement les choses entrevues, senties, devinées en cours de route et au gré des rencontres. Voyager soulève une multitude de pistes à creuser comme la poussière s'élève sur la piste en passant !
CHRONIQUES INDIENNES
1. Quelques mois plus tard, alors comment avez-vous trouvé l'Inde ?
Un ami me demande de mettre par écrit quelques impressions tout à fait personnelles exprimées oralement. Ce texte n'est ni un reportage élaboré sur la base d'enquêtes sérieuses, ni une leçon de morale, ni un jugement sans appel sur des choses vues en passant quelques mois en Inde. C'est l'expression combien subjective et personnelle d'une femme de 64 ans, voyageuse roulant sa bosse dans le monde depuis 5 ans avec son compagnon de vie dans leur propre véhicule. Un quotidien au raz des pâquerettes, loin des chaînes d'hôtels étoilées, même si à l'occasion, nous avons trouvé un refuge bienveillant et bienfaisant dans leur parking à côté des chauffeurs dormant parfois dans leur véhicule.
Nous sommes confrontés chaque jour au quotidien de la route, de la rue : nous conduisons et demandons notre chemin, nous achetons les produits locaux sur les marchés, nous lavons notre linge là où les gens lavent leur linge, nous cherchons chaque soir un endroit tranquille et sécure pour dormir sans stress et bien sûr nous allons à la rencontre des gens et des sites à visiter. Il y a de superbes sites en Inde. Nos outils de voyages sont les cartes et guides (Lonely Planet), notre envie de découverte et notre bonne volonté pour questionner les personnes rencontrées au fur et à mesure. Nous n'avons pas de liste d'amis dans les pays visités mais nous nous faisons des amis lors de belles rencontres spontanées.
Le plus souvent ce sont des gens modestes, parfois de la classe moyenne et très rarement de la classe aisée du pays. Parfois ce sont des expatriés qui, intrigués par notre véhicule étrange et étranger, viennent à notre rencontre.
Alors venons-en à ces impressions de l'Inde, pays pour lequel nous avons demandé et obtenu un visa d'un an.
Nous sommes entrés par Lahore/Amritsar, puis le Rajastan, le Gudjarat, Delhi, Goa, les Caves d'Anjata et Elora, la descente vers le Kerala jusqu'à la pointe extrème du pays, le bridge Adam vers le Sri Lanka, Tamil Nadu, Pondichery, Shimla, la Spiti Valley, la Corbett Reserve juste avant d'entrer au Népal, pour esquisser en vrac, quelques unes des étapes de notre itinéraire indien.
Cela peut donner une idée des "sources d'information" glanées au fil du trajet.
Impression globale très contrastée : un pays qui a des aspects très modernes, des autoroutes, une classe moyenne avec des voitures Tata, une télévision Tata, des cellulaires Tata, des publicités pour des objets de luxe, des quartiers d'habitations modestes, des bidons villes jouxtant des quartiers grand luxe... et des gens, des centaines de gens croisés chaque jour. Ces gens vivent le labeur sans relâche dans des conditions venant d'un autre monde :
- sur la route, c'est moi d'abord, je suis plus gros, écrase toi, saute dans le fossé. Moi d'abord également si je décide de rouler à contre sens sur la route, sur l'autoroute à péage, sur le pont à voie unique ou dans la ruelle si étroite. Au passage à niveau, chacun s'agglutine devant les barrières pour passer le premier. Mais il y a vingt premiers de chaque côté. Il faudra une demi heure pour démêler l'écheveau. Le bon sens, la courtoisie, le pragmatisme ne semblent pas faire partie des neurones standards. Etonnant cette violence quotidienne renforcée par les klaxons continus. Pas étonnants ces accidents constatés chaque jour : chocs frontaux, camions ou bus renversés, voitures écrasées... seules les vaches restent placides et semblent tout à fait épargnées.
- gros travaux physiques pour la construction de routes ou d'immeubles réalisés "à la main" : cuvettes, seau, pelles, cordes, échelles de bambous... hommes et femmes travaillent sans relâche sous le soleil, sans protection, les enfants parfois tout près d'eux dans la poussière. On casse des cailloux et des briques à tout âge, toute la journée.
- gros travaux domestiques quotidiens : chercher de l'eau, du bois, des feuilles, du fourrage pour les bêtes ... travail des femmes le plus souvent, les enfants y vont aussi avec leur petite charge sur la tête.
- pas de facilités : pas de toilettes, à chacun sa solution, l'un a son petit pot d'eau et va se soulager derrière un buisson, l'autre est bien au milieu du chemin, toilettes à ciel ouvert. Ne pas évoquer les latrines des gourbis ou des gares d'autobus. Apnée insuffisante pour terminer sa besogne personnelle. Laver le linge, c'est accroupie sur le sol que les femmes triment. Au Guatémala et au Honduras, des pays très riches n'est ce pas, les femmes ont des bacs-éviers en béton ce qui leur permet de laver le linge debout avec un appui adapté, même s'il n'y a pas l'eau courante, les femmes lavent dans de meilleures conditions.
- l'eau ? où trouver de l'eau, est elle bonne, y en a t-il assez ? on attend, il faut voir la file de cruches déposées depuis 4h du matin.
- dormir ? des "abris", des tentes de fortune, des cabanes, des bidons ville, des corps sur le trottoir,...
- le marché ? tout est à terre, on enlève les plumes du poulet en le raclant sur le sol, on coupe la viande sans tenir compte de l'anatomie de la bête, les morceaux coupés sont donc criblés de bouts d'os éclatés. Hygiène ???
- la religion omni présente : aller chaque jour au temple recueillir une bénédiction pour les siens, faire des offrandes, prier, beaucoup de femmes sont concernées par ces tâches sans doute avec bien de la superstition (si je ne fais pas cela... mauvaises nouvelles)
- on pourrait allonger la liste sans peine.
Et les relations avec les gens ?
- les hommes vous dévisagent, en tant que femme, comme de la chair fraîche à consommer. Je ne suis pas une jeune pin-up, je suis habillée me semble t-il avec sobriété et discrétion, mais j'ai eu droit à plusieurs reprises, à de la "masturbation frontale" : un homme en face de moi, les yeux dans les yeux se masturbant en pleine rue. Bon, il y a de la frustration sexuelle dans l'air : est ce que je vais l'aider ? est ce que j'appelle Jac ? est ce que je le prend en photo ?
- mon rôle dans la voiture est de demander le chemin, j'aide aussi aux manoeuvres lorsqu'il faut reculer, changer de direction, stationner. Je sors donc du véhicule et vais vers... les hommes pour recueillir les infos, ou bien carrément me met au milieu de la rue pour arrêter le trafic... stupeur de voir une femme faire de telles choses. Je ne peux malheureusement pas demander mon chemin à une femme car elles ne conduisent pas et on sait d'expérience que seuls les conducteurs (taxi, bus, voiture, moto) peuvent vraiment nous renseigner.
- les enfants : les petits garçons sont privilégiés par rapport aux filles, le père va porter attention à son fils plutôt qu'à ses filles. On assiste parfois à un traitement de faveur (friandises, caprices) pour LE fils.
- les femmes sont dans l'ombre, pas de femme au café se reposant d'un thé comme les hommes ! elles travaillent, travaillent ou restent à la maison... travailler. En voiture, les hommes sont devant, les femmes à l'arrière. Au restaurant le serveur s'adresse à l'homme et combien de fois oublie la commande de la femme ! Les femmes sont sous "contrôle" continu, elle "suivent". Les jours de fête ou de pélerinage on verra beaucoup de femmes dehors, en famille, en groupe. Lorsque un homme me demandait la permission de me prendre en photo, je disais "je préfère être prise en photo avec votre femme ou votre amie, pas seule avec vous". Ils étaient surpris et les femmes riaient de bon coeur avec moi sur la photo. C'est comme si la femme n'existe pas pour elle même, elle est "au service", à disposition.
- un témoignage masculin nous a touché. Un homme de 55 ans exprimait la chance qu'il avait de pouvoir travailler et gagner sa vie pour que ses 3 filles finissent leurs études. Il nous a dit aussi son soulagement de savoir que les maris ne demandaient pas de dot.
Ce qui m'a fait le plus mal en Inde était de sentir comment la femme est "réduite", exploitée, marginalisée. On imagine facilement comment elle doit survire aux pressions et risques sexuels, qu'elle soit jeune, adolescente, mariée ou veuve. Un pays en si forte croissance, un pays qui a tant de diplômés et diplômées (au chômage eux aussi). L'Inde a ses grandes femmes (premier ministre, femmes médecins etc...) mais quelle espérance pour une femme qui naît aujourd'hui ? Les vieilles croyances, les castes, la religion, la superstition... tout cela marginalise les femmes. Sois belle et tais toi. Où est le respect de l'être humain ? Il y a des lois nouvelles... mais les applique t-on ? Comment stopper les assassinats de bébé filles ou de jeunes mariées ? Combien d'années lumière faudra t-il pour améliorer les choses à l'échelle du pays ? Grande démocratie, l'Inde prend t-elle vraiment soin de ses citoyennes ?
2. Rencontres sur la route en Inde
Finalement, sur la route ces derniers mois en Inde, nous n'avons pas rencontré beaucoup d'autres voyageurs indépendants. Lors de ces quelques échanges, ce qui fait l'unanimité est la difficulté du quotidien lorsqu'il faut conduire son véhicule ou en trouver un qui ait un bon conducteur, acheter de la nourriture ou seulement chercher à faire bouillir sa marmite sur un feu déjà allumé, demander un bout de terrain pour se poser, rectifier un péage exorbitant... chaque fois il y aura une solution, mais il faut négocier, insister, palabrer, se défendre, justifier... comme si tout rapport "humain" s'inscrivait d'emblée dans une relation de marchandage, roupie, roupie ! Autre point d'accord : les gens sont des plus collants. S'arrêter, se poser un moment ou seulement passer : sensation d'être toujours dévisagé lourdement. J'ai partagé mon expérience avec d'autres témoignages féminins : l'homme qui me dévisage à quelques mètres se masturbe allègrement. Je l'ignore ? Je le regarde comme il me regarde ? Je le prend en photo ?... que feriez vous ?... j'ai pensé aux femmes indiennes qui vivent avec cette réalité bien plus pressante encore que ce seul instant.
Foule, promiscuité, mentalité marquée par la culture des castes et l'extrême religiosité ambiante, misère pour 300 millions d'indiens et luxe ostentatoire pour quelques poignées de grandes fortunes. La femme n'a pas beaucoup de place. Au restaurant, on s'adresse toujours à Jacques et souvent on oublie la salade ou la boisson que j'ai commandée. Il manquerait 50 millions de femmes dans le pays, naissances avortées des fillettes, accidents domestiques des jeunes mariées car la dot n'a pas fini ses ravages. cf L'axe du Loup, Sylvain Tesson, édition Pocket numéro 12815. Une loi sur le harcèlement et la protection du droit des femmes est passée au Congrès, mais comment les plus démunies peuvent-elles la connaître et la faire appliquer ? Pays qui dépasse l'entendement, pays dément par tous ces aspects de la vie quotidienne, pays en forte croissance... mais à qui profite t-elle ? Une mamie tibétaine à Darjeeling, nord de l'inde
3. Entrée en Inde, choc culturel ou personnel ?
Il m'a fallu prendre un peu de recul pour rendre intelligibles mes premières impressions indiennes. J'avais entendu le verdict habituel : on aime ou on déteste. J'avais lu le point de vue d'un médecin psychiatre affecté au consulat français de Goa (voir le livre : "Fous de l'Inde" ) et découvert celui du journaliste Marc Boulet qui s'est glissé "Dans la peau d'un intouchable" (éditions Le Seuil) durant trois mois à l'issue d'une intense préparation tant physique, linguistique que mentale. Entrer dans un nouveau pays, nécessite de trouver peu à peu les réponses à la question "comment cela marche t-il ici ?" Cette vaste question recouvre les situations relationnelles autant que les multiples problèmes à résoudre au quotidien. Comment se salue t-on ? Comment est-ce que les gens conduisent et se conduisent ? Est ce que les autorités se manifestent ? Où achète t-on le pain, le yogurt, les légumes ? Où trouver un endroit tranquille pour dormir ? Est -ce le prix juste ou faut-il marchander ? Comment entrer en relation avec les femmes ? Comment un voyageur est-il perçu ? etc...
Entrer par la route, c'est en premier lieu le contact avec les autorités : immigration, douane, contrôle du véhicule. Bonne surprise en Inde en quittant Lahore, les démarches sont rapides, précises et courtoises. Nous apprenons que le véhicule doit quitter le territoire mi avril, date d'échéance de notre carnet de passage en douane. Bon. Ensuite on plonge. La foule partout, les bus, les touk touk, les charettes tirées par des boeufs ou des dromadaires, les vélos, les piétons... chacun se fraie un chemin et se définit sa priorité. La loi du plus fort, du plus gros. Les bus klaxonnent sans relâche couvrant les autres klaxons. Le bruit strident est continu. La lumière n'est pas nette, il y a une sorte de voile laiteux, un brouillard de fumées diverses. Les odeurs, à plein poumons, se déclinent ainsi : les gaz d'échappement, les effluves fétides des déchets éparpillés dans les rues fouillés par les vaches et les chiens, le fumet des beignets fris qui se glisse entre les fragances nauséabondes de l'eau croupie d'un vague réservoir. L'odeur, on ne peut pas fermer les yeux et passer outre, elle rentre en vous sans retenue. Comment les gens peuvent-ils vivre au bord de cette route, tenir cette échoppe, tirer sa charrette, marcher vers l'école, vendre trois caramels, réparer des souliers au raz du sol en incubant au maximum toute cette pollution ? Le Pakistan nous avait préparé les sens mais en Inde on franchit un cran supérieur très significatif. On ne quitte jamais vraiment les zones urbaines tellement l'habitat est dense, intense. Dans les espaces agricoles pour laisser le plus de place aux cultures, les maisons sont collées sur la route et les animaux sont attachés juste en avant de l'habitat. Les enfants vivent dans cet espace réduit encombré de détritus, réserves de fourrage, restes de charrettes, empilage de bouses séchées... Après quelques jours de route, on se rend compte que les rares étendues propres, sans déchets, sans rebuts, sont les rizières ! Plaisir d'observer ces espaces d'un vert intense avec le reflet de l'eau qui les baigne. Autre plaisir, pour contrecarrer la liste de tout ce qui saisit et agresse le passant, la variété des saris, tuniques, écharpes et voiles des femmes : fluidité, couleurs, originalité, façon de les porter... que serait l'Inde sans les femmes ? Les hommes jouent aussi sur les couleurs de leurs turbans au Rajastan, mais dans l'ensemble du pays le vêtement masculin est plutôt blanc, beige, gris ou brun. Pas de Tshirt, partout les hommes portent des chemises. Peu de shorts, dominent les pantalons et costumes traditionnels avec tunique ou longis, sorte de jupe que ces messieurs remontent à la ceinture s'il fait trop chaud. Et les écoliers... en uniforme !
La police brandit sa canne-bâton en bois et menace ainsi le récalcitrant. Lorsque un policier nous fait un signe, nous avons décidé de considérer celà comme un "bonjour". Nous répondons en choeur en agitant nos quatre mains derrière le pare-brise : oui, nous vous avons bien vu, cher policier et on vous salue mais pas question de s'arrêter. Si par hasard il appelle son collègue suivant sur la route, nous pourrons effectivement expliquer que nous l'avons bien vu et salué. Ils doivent penser que ces deux imbéciles joyeux sont sans doute un peu débiles.
Départs, départ
Il y a les petits départs, ceux qui donnent l’avant goût de l’autre, le grand. On sait que l’on ne repassera sans doute pas ici avant longtemps, qu’on a des chances de se revoir encore une fois peut être, mais les possibilités se réduisent, s’amenuisent, se raréfient... L’instant, d’un coup, devient plein... comme il l’est toujours d’ailleurs... juste une question de conscience, le présent.