Le retour.

changProgr02.2012
Lorsque le retour approche… le retour au pays, après des mois ou des années de voyage. On peut dire "la fin du voyage" (celui qui est en cours, mais il en reste d'autres à venir) ou "le retour" (retour à la maison pour celui qui en a une, ou au pays, pour celui qui est parti sans base arrière). J'ai la chance de procéder par étape suite à un imprévu majeur, comme un risque majeur, mais celui-ci est franchement "constructif" (voir Urgence maison). Je viens de passer quatre mois en France et repars dans quelques jours passer cinq mois en Australie. Je vis une expérience intérieure pleine de promesses. Revenir, c'est être parti, pour de bon, loin, très loin. Revenir est un nouveau voyage. Entrer dans un pays, le sien, y confronter les aspects "connus", souvenirs ou habitudes, aux aspects "nouveaux" : ce qui existe maintenant, ce qui a changé. Saute aux yeux, la sur-signalisation. Une école est signalée par trois panneaux : le triangle avec les deux bambins, la mention "école" puis l'indication "40 km/h". Les ronds points sont légions, comme les radars. La traque du contrevenant est constante : ne pas rouler ici mais là, à telle vitesse, de telle façon, jusqu'au XXX de la fin des travaux payés par telle Institution, etc. Le paysage routier est devenu une leçon de lecture. Faut-il tout prévoir, tout écrire, tout encadrer, tout contenir ? Les magasins ont changé d'enseigne : banques et assurances ont remplacé les petits commerces de proximité. Fleurissent également les "marques" : on s'habille dorénavant chez les "marqueurs" ? Est-on marqué pour de bon ? Et les gens ? Comment courent-ils au travail, à la crèche, au café, à la gare, etc ? Que donne à voir chacun d'entre nous ? Les vêtements ont conservé le jean, le noir, par-ci par-là une note colorée. Des poussettes et des enfants, oui pas mal d'enfants, cela fait plaisir ! Pas autant de gens obèses qu'en Australie, etc. Le visuel pourrait être décliné longuement encore.
fév12-1
Ce qui se passe en soi est plus important. Que faire de toutes ces informations ? Comparer avec "avant" donc avec les "ailleurs" visités ? Se retrancher dans son monde pour rester en dehors de ce charivari, de cette profusion de sensations continues, pas toujours agréables ? Parler ? Faire silence ? Composer en alternant les "sorties" avec les temps de "retrait" ? Rechercher la proximité de ceux qui nous accueillent avec tant de délicatesse ? Recharger ses batteries au contact familial ou amical qui jalonne le quotidien ? Se sentir si bien dans cette qualité de relations accessibles en un coup de fil ou quelques minutes de marche ou quelques heures de train. La distance se réduit à une question d'organisation : as-tu un moment disponible ? puis je venir le … ? et si on se retrouvait tout à l'heure à … ? Quelle nouveauté ! Quelle liberté ! L'écrit fait la place au face à face, au grand "hug" chaleureux, aux contorsions pour se glisser à la terrasse d'un café retrouver les bons vieux amis déjà installés !!! Se retrouver pour de vrai, se voir, entendre, sentir, toucher, écouter, etc. Parfois, le bonheur est juste d'être là, d'être ensemble. Un déjeuner, place des Brotteaux, avec mes deux enfants. Rareté d'un moment tous les trois. Je me sens comme une éponge, je voudrais "encapsuler" ces instants qui filent entre les doigts au rythme de la trotteuse de l'horloge. Effort illusoire, effort qui me rend muette, impossible de parler ! Je les aime. Je les aime tant et ne sais pas comment le dire.
Retour. Il y a de nombreux chocs. Des surprises parfois décevantes, des mises à jour, des mises au point, des mises à nu. Oui, cela passe par une sacrée interrogation sur soi : qu'est ce qui compte ? que va t-on faire ensemble ? qu'est ce que j'investis pour reprendre le fil d'un quotidien dans mon pays ? Revenir, c'est être au clair sur un projet de vie, se donner les moyens de le faire mûrir. Prendre le temps de goûter le temps. Je mesure l'importance de faire ses premiers pas de retour de voyage… dans son propre pays. Pays où l'on saisit toutes les subtilités de la langue. Plus besoin de traduire, de tendre l'oreille, de capter le mot principal. Pays où les repères sont plus familiers : Tim Horton ou p'tit noir au comptoir ? Dans le jus du café sont enkystés des tonnes de concentré culturel. Toutes ces façons de faire ou d'être nous touchent, nous cherchent : réconfort ou énervement. La réaction surgit comme l'éclair. Elle rassure ou blesse, au plus profond, pourtant il ne s'agit que de l'épiderme. L'accumulation peut générer de la frustration, de l'envie de fuir, de l'évasion aveugle mais heureusement aussi, du rire salvateur. C'est fatiguant, très fatiguant de "rentrer". Il faut réajuster l'ensemble du "tableau de bord". Retrouver du sens à des choses oubliées depuis des lustres. Retrouver les codes, les us et coutumes. Je m'amuse. J'ai conservé la démarche directe pratiquée en voyage : un RV médical, une démarche à la banque, une question administrative, etc… pour éviter le téléphone et surtout les dites "plateformes téléphoniques", je me présente sur place. Dans la plupart des cas, j'ai obtenu une solution immédiate et dans la bonne humeur !
Revenir. Je mesure combien il faut pouvoir dépasser, "pardonner" (à son pays) tous ces excès, si contraignants qu'ils semblent même peser sur l'humeur citoyenne. Revenir, c'est repasser par la case départ, comme au Monopoly. Il n'y a de "pardon" possible, (donner par-dessus ?) que dans son pays d'origine. Suite en Septembre. Vu en Pharmacie.
Gibran02-2012