Misère sans nom, misère sans frontière
29/Oct/2010
Misère sans nom... l'enfant s'agrippe à la portière,
insiste, tente ses deux mots d'anglais, regarde au
fond des yeux, on se comprend malgré le gouffre qui
nous sépare, "later, later... my name is Rasjani,
Rasjani". Oui Rasjani, je ne t'oublie pas, tu as
un nom, tu es une personne identifiée. Ici comme en
Inde et comme ailleurs dans les grandes villes les
mendiants sont nombreux. Femmes fantômes, moignons,
membres déformés, visages décharnés, homme-tronc se
déplaçant sur une planche ou à la force du poignet
tirant successivement les restes de ses membres
inférieurs, enfants seuls ou en bandes volatiles, les
êtres humains les plus démunis se faufilent entre les
voitures, mendient, quémandent sans relâche. Les
camions sont trop hauts, les voitures particulières
ont souvent leurs vitres fumées fermées, les
rickshaws sont grillagés mais l'effort de la quête
continue. Later, later (plus tard, plus
tard), la vie sera peut être moins dure ? ou bien il
sera trop tard pour chacun d'entre eux. Ce sont les
regards les plus profonds du voyage. Et les regrets
les plus grands.
L'autre détresse perceptible est totalement silencieuse : ombre de personne cheminant les yeux perdus, la tête dans un ailleurs plus supportable sans doute que le quotidien, pas un regard, pas de main tendue, juste tenir debout et avancer, comme une épave menée par le courant, tout droit, tout droit, seule dans son monde, seule dans les éléments qui l'ont menée à cet instant. Instant fugitif et sorte d'éternité. Le vide tient lieu d'ancrage. Les images sont gravées dans le coeur.
L'autre détresse perceptible est totalement silencieuse : ombre de personne cheminant les yeux perdus, la tête dans un ailleurs plus supportable sans doute que le quotidien, pas un regard, pas de main tendue, juste tenir debout et avancer, comme une épave menée par le courant, tout droit, tout droit, seule dans son monde, seule dans les éléments qui l'ont menée à cet instant. Instant fugitif et sorte d'éternité. Le vide tient lieu d'ancrage. Les images sont gravées dans le coeur.