LA question, réponse autère !
10/septembre/2010
(*)
LA question, celle qui nous est posée si souvent... comment faites-vous pour vivre ensemble 24h sur 24h en voyage depuis tant d'années dans un espace si réduit ? L'amour ??? Oui, oui, oui mais pas seulement ! Eh bien, après avoir interrogé Jacques et réfléchi de mon côté, voici cinq éléments porteurs.
Un projet fortement partagé, appuyé par les trois A : appétit de découverte, accepter des conditions de vie sommaires, assainir ses peurs. Chacun des deux a envie de découvrir un bout du monde, même si nos centres d'intérêts sont parfois différents. Devenir nomade, c'est accepter dans la durée des conditions de vie aléatoires, bien moins confortables, stables et assurées qu'à la maison. Assainir ses peurs signifie d'avoir "ouvert la boîte à peurs", si j'ai peur de l'inconnu, tout étant inconnu, je ne peux même pas partir de chez moi, donc si une "peur" surgit, vite ouvrons la boîte : de quoi ai-je peur concrètement ?
Une solidité personnelle, sorte d'hygiène de vie, de discipline intérieure visant à gérer par soi-même son état quotidien. Chaque matin démarrer la journée de bonne humeur ou au moins au point neutre. Prendre soin de sa santé physique, émotionnelle et mentale, relier le corps, le coeur et l'âme. Se recentrer sur les essentiels, pratiquer la méditation par exemple (ou yoga, taï-chi, arts martiaux...), écouter la petite voix intérieure. Ne pas laisser la fatigue prendre le dessus. Cultiver la patience, la tolérance mais ne pas tolérer ce qui menace ou détruit l'équilibre personnel. L'attention envers soi mais aussi envers l'autre : comment va t-il ? y a t-il des signes de risques liés à un trop plein de fatigue, d'émotions, de tensions ?... dédramatiser résolument, pratiquer l'humour aussi souvent que possible.
Entretenir le contact, le dialogue, déjà entre nous deux au fil des jours : met-on des mots sur nos ressentis ? a t-on vidé la boîte à non-dits ? comment se dire les choses lorsque les mots viennent difficilement ? si la parole est difficile, alors écrivons.
Contacts et dialogue avec nos proches : comment vont-ils ? que vivent-ils en ce moment ? qu'est ce qui s'annonce dans leur environnement ? comment leur faire part de ce que nous vivons à distance ? Ne pas inquiéter inutilement si les choses, de loin, peuvent sembler alarmantes comme par exemple, le seul fait de voyager en Colombie, en Iran, au Pakistan peut susciter de la crainte.
Contacts et dialogue sur la route, avec les locaux rencontrés. C'est un de mes trois ressourcement en voyage. La rencontre, l'échange, la découverte des gens en chemin. Parler lorsque la langue commune le permet, passer un moment ensemble pour découvrir une activité en cours, partager une tâche, rire de mes maladresses de grande débutante si je ne tamise pas la semoule aussi vite ou si je ne pèle pas les betteraves de la bonne façon ! S'asseoir ensemble au soleil, jouer avec les enfants, gonfler des petits ballons et se les renvoyer à la cantonnade... que vivent-ils ? comment font-ils face chaque jour ? quel est l'avenir des enfants ? quels sont leurs talents, comment réussissent-ils ces objets, ces travaux...? Tout m'intéresse ! Le regard, l'attention, l'observation servent aussi de dialogue lorsque le contexte est limpide, sans autre enjeu que celui de la rencontre de personne à personne. Rencontres aussi bien sûr avec d'autres voyageurs ! Parfois ce sont quelques instants ou quelques heures, mais l'intensité de l'échange s'inscrit au plus profond dans le coeur. Je peux décrire très précisément les moments passés avec tel ou tel voyageur il y a deux, trois ou quatre ans, moments qui ont initié un lien fort, très fort.
Transformer les différences en complémentarités : tout nous oppose, tout peut être source de difficulté et il faut construire avec ce "tout" si explosif ! Un homme, une femme. Un canadien, une française. Un sportif avéré, une marcheuse du dimanche. Un amateur de café, bière, spaghettis, bacon... au sirop d'érable et une amatrice de thé, parfois vin, riz, desserts...et chocolat. Un conducteur tout terrain, une conductrice d'asphalte. Un ascète, une épicurienne. Donc... comment s'en sortir dans un espace si réduit avec un programme si commun puisque nous voyageons de concert ? Nous avons défini des territoires, territoires de deux sortes : territoires physiques (mon casier, ton casier de rangement) et territoires de compétences ou responsabilités (le véhicule, les papiers, la nourriture, l'entretien, les relations extérieures, comme demander son chemin, parler à la police...). Etre responsable, signifie que l'autre ne va pas interférer, même s'il aurait bien volontiers proposé une solution différente ! L'autre laissera faire ou se mettra en posture de main-d'oeuvre disponible s'il sent que cela peut aider positivement.
La limite du "territoire" est l'indispensable polyvalence pour se relayer, s'épauler, s'entraider... Il faut conserver un entraînement effectif pour être capable d'assurer la "relève-minute" en cas de besoin ! La seconde limite serait le trop plein de charge perçu comme tel : si je prépare l'itinéraire, comment y participes-tu ? L'un reporte sur la carte-papier les informations clés du LP (guide Lonely Planète), l'autre recherche des informations plus sociologiques. Encore faut-il se rencontrer et confronter les points de vue !
Attitudes et qualités, en vrac : enthousiasme et capacité d'étonnement, pragmatisme, endurance, attention et vigilance dans la durée, confiance en soi et dans l'autre, ouverture d'esprit et curiosité, patience, tolérance, très grande tolérance entre nous, vis-à-vis des autres personnes, cultures, mentalités, réactivité pour saisir des opportunités ou réduire un risque, connaître, très concrètement, ce qui ressource personnellement et surveiller les seuils avant l'alerte rouge ! Mes trois principaux ressourcements : le contact humain déjà évoqué plus haut, vivre dans la nature, contempler la beauté qu'il s'agisse d'un édifice, de montagnes, d'espaces, d'objets, de savoir-faire, d'animaux, de tissus, de couleurs, de jeux de lumières.... Je prends conscience d'un quatrième ressourcement, l'écriture photographique, écrire et photographier, relier textes et photos.
Post scriptum 1, en pleine conscience d'inachevé, il faudrait compléter ce descriptif des écueils et risques majeurs. Je veux évoquer la fatigue, cette fatigue qui s'installe sans qu'on la mesure nettement, s'insinue et grignote comme une chenille. Le risque peut aller dans plusieurs directions : lassitude de la découverte, repli sur soi, usure relationnelle oubliant les basiques de la communication, vigilance émoussée, somatisation...
Post Scriptum 2, en guise de conclusion : ces cinq éléments ont été efficaces jusqu'à présent, mais la formule peut évoluer. Alors, laissons ouverte la réponse à la question initiale et attendons les réactions. Qui commence ?
(*) Claude et Sue reconnaîtront leur soleil, mais peut être pas la chenille-soleil !
LA question, celle qui nous est posée si souvent... comment faites-vous pour vivre ensemble 24h sur 24h en voyage depuis tant d'années dans un espace si réduit ? L'amour ??? Oui, oui, oui mais pas seulement ! Eh bien, après avoir interrogé Jacques et réfléchi de mon côté, voici cinq éléments porteurs.
Un projet fortement partagé, appuyé par les trois A : appétit de découverte, accepter des conditions de vie sommaires, assainir ses peurs. Chacun des deux a envie de découvrir un bout du monde, même si nos centres d'intérêts sont parfois différents. Devenir nomade, c'est accepter dans la durée des conditions de vie aléatoires, bien moins confortables, stables et assurées qu'à la maison. Assainir ses peurs signifie d'avoir "ouvert la boîte à peurs", si j'ai peur de l'inconnu, tout étant inconnu, je ne peux même pas partir de chez moi, donc si une "peur" surgit, vite ouvrons la boîte : de quoi ai-je peur concrètement ?
Une solidité personnelle, sorte d'hygiène de vie, de discipline intérieure visant à gérer par soi-même son état quotidien. Chaque matin démarrer la journée de bonne humeur ou au moins au point neutre. Prendre soin de sa santé physique, émotionnelle et mentale, relier le corps, le coeur et l'âme. Se recentrer sur les essentiels, pratiquer la méditation par exemple (ou yoga, taï-chi, arts martiaux...), écouter la petite voix intérieure. Ne pas laisser la fatigue prendre le dessus. Cultiver la patience, la tolérance mais ne pas tolérer ce qui menace ou détruit l'équilibre personnel. L'attention envers soi mais aussi envers l'autre : comment va t-il ? y a t-il des signes de risques liés à un trop plein de fatigue, d'émotions, de tensions ?... dédramatiser résolument, pratiquer l'humour aussi souvent que possible.
Entretenir le contact, le dialogue, déjà entre nous deux au fil des jours : met-on des mots sur nos ressentis ? a t-on vidé la boîte à non-dits ? comment se dire les choses lorsque les mots viennent difficilement ? si la parole est difficile, alors écrivons.
Contacts et dialogue avec nos proches : comment vont-ils ? que vivent-ils en ce moment ? qu'est ce qui s'annonce dans leur environnement ? comment leur faire part de ce que nous vivons à distance ? Ne pas inquiéter inutilement si les choses, de loin, peuvent sembler alarmantes comme par exemple, le seul fait de voyager en Colombie, en Iran, au Pakistan peut susciter de la crainte.
Contacts et dialogue sur la route, avec les locaux rencontrés. C'est un de mes trois ressourcement en voyage. La rencontre, l'échange, la découverte des gens en chemin. Parler lorsque la langue commune le permet, passer un moment ensemble pour découvrir une activité en cours, partager une tâche, rire de mes maladresses de grande débutante si je ne tamise pas la semoule aussi vite ou si je ne pèle pas les betteraves de la bonne façon ! S'asseoir ensemble au soleil, jouer avec les enfants, gonfler des petits ballons et se les renvoyer à la cantonnade... que vivent-ils ? comment font-ils face chaque jour ? quel est l'avenir des enfants ? quels sont leurs talents, comment réussissent-ils ces objets, ces travaux...? Tout m'intéresse ! Le regard, l'attention, l'observation servent aussi de dialogue lorsque le contexte est limpide, sans autre enjeu que celui de la rencontre de personne à personne. Rencontres aussi bien sûr avec d'autres voyageurs ! Parfois ce sont quelques instants ou quelques heures, mais l'intensité de l'échange s'inscrit au plus profond dans le coeur. Je peux décrire très précisément les moments passés avec tel ou tel voyageur il y a deux, trois ou quatre ans, moments qui ont initié un lien fort, très fort.
Transformer les différences en complémentarités : tout nous oppose, tout peut être source de difficulté et il faut construire avec ce "tout" si explosif ! Un homme, une femme. Un canadien, une française. Un sportif avéré, une marcheuse du dimanche. Un amateur de café, bière, spaghettis, bacon... au sirop d'érable et une amatrice de thé, parfois vin, riz, desserts...et chocolat. Un conducteur tout terrain, une conductrice d'asphalte. Un ascète, une épicurienne. Donc... comment s'en sortir dans un espace si réduit avec un programme si commun puisque nous voyageons de concert ? Nous avons défini des territoires, territoires de deux sortes : territoires physiques (mon casier, ton casier de rangement) et territoires de compétences ou responsabilités (le véhicule, les papiers, la nourriture, l'entretien, les relations extérieures, comme demander son chemin, parler à la police...). Etre responsable, signifie que l'autre ne va pas interférer, même s'il aurait bien volontiers proposé une solution différente ! L'autre laissera faire ou se mettra en posture de main-d'oeuvre disponible s'il sent que cela peut aider positivement.
La limite du "territoire" est l'indispensable polyvalence pour se relayer, s'épauler, s'entraider... Il faut conserver un entraînement effectif pour être capable d'assurer la "relève-minute" en cas de besoin ! La seconde limite serait le trop plein de charge perçu comme tel : si je prépare l'itinéraire, comment y participes-tu ? L'un reporte sur la carte-papier les informations clés du LP (guide Lonely Planète), l'autre recherche des informations plus sociologiques. Encore faut-il se rencontrer et confronter les points de vue !
Attitudes et qualités, en vrac : enthousiasme et capacité d'étonnement, pragmatisme, endurance, attention et vigilance dans la durée, confiance en soi et dans l'autre, ouverture d'esprit et curiosité, patience, tolérance, très grande tolérance entre nous, vis-à-vis des autres personnes, cultures, mentalités, réactivité pour saisir des opportunités ou réduire un risque, connaître, très concrètement, ce qui ressource personnellement et surveiller les seuils avant l'alerte rouge ! Mes trois principaux ressourcements : le contact humain déjà évoqué plus haut, vivre dans la nature, contempler la beauté qu'il s'agisse d'un édifice, de montagnes, d'espaces, d'objets, de savoir-faire, d'animaux, de tissus, de couleurs, de jeux de lumières.... Je prends conscience d'un quatrième ressourcement, l'écriture photographique, écrire et photographier, relier textes et photos.
Post scriptum 1, en pleine conscience d'inachevé, il faudrait compléter ce descriptif des écueils et risques majeurs. Je veux évoquer la fatigue, cette fatigue qui s'installe sans qu'on la mesure nettement, s'insinue et grignote comme une chenille. Le risque peut aller dans plusieurs directions : lassitude de la découverte, repli sur soi, usure relationnelle oubliant les basiques de la communication, vigilance émoussée, somatisation...
Post Scriptum 2, en guise de conclusion : ces cinq éléments ont été efficaces jusqu'à présent, mais la formule peut évoluer. Alors, laissons ouverte la réponse à la question initiale et attendons les réactions. Qui commence ?
(*) Claude et Sue reconnaîtront leur soleil, mais peut être pas la chenille-soleil !